mercredi 17 octobre 2007

Réponses aux questions de Chau Sân II

.
RÉPONSES AUX QUESTIONS DE CHAU SÂN II

LA PRISE DE CONSCIENCE DANS L'HISTOIRE DE L'HUMANITÉ

Certains animaux comme les chimpanzés, cousins les plus proches de l'homme, savent utiliser des branches d'arbres par exemple comme armes ou comme outils, mais ils les abandonnent aussitôt après l'usage. Les premiers hommes s'en distinguent par la prise de conscience des possibilités d'identification entre l'objet et son usage : possibilité de sélectionner la forme et l'essence du bois par exemple pour un usage bien déterminé. Cette démarche les amène à conserver soigneusement l'arme ou l'outil choisi. Ils étendent leurs choix à d'autres matériaux : os, dents, pierres, galets. Par l'usage, les outils s'usent ou se cassent. Les plus perspicaces d'entre eux prennent conscience que certains outils cassés sont plus efficaces, d'où l'idée de les casser volontairement, d'où la fabrication des "galets aménagés" qui sont pratiquement indestructibles et qui restent et témoignent. Ce sont les vestiges les plus anciens du premier pas décisif qui donne la prééminence de l'homme sur les autres animaux. Il y a de cela, 2 500 000 ans environ, en Afrique dans le gisement de l'Omo : Cette première industrie de l'Histoire est constituée d'une grande quantité d'éclats, artificiellement percutés et utilisés pour leurs tranchants, de galets dont une pointe ou un tranchant ont été aménagé par une série d'enlèvements, et d'ossements ou de dents préparés ou utilisés directement lorsque leurs formes s'y prêtaient (canine d'hippopotame ou de suidé, par exemple).

Ces outils peuvent se ranger en un certain nombre de types. Chacun de ces types est reproduit à un certain nombre d'exemplaires. Ce qui signifie que leur forme a déjà fait l'objet d'une recherche, qu'elle est l'acquisition d'une expérience transmise d'une génération à l'autre, impliquant une certaine vie sociale. En d'autres termes, il y a 2 500 000 ans, nous ne sommes pas à l'origine de l'outil. Mais nous approchons probablement des limites de sa perception; au-delà, il doit se confondre avec des objets naturels (Y Coppens).

Cette vie sociale, cette faculté de conserver la mémoire collective pour la transmettre aux générations suivantes suppose l'invention du langage parlé, c'est-à-dire quelque chose que ne peut prévoir aucune loi de la nature.

Ainsi, dès le premier pas décisif de l'hominisation dans l'interaction symbiotique et dialectique entre le cerveau et le corps dont la main en particulier, s'affirme la primauté du cerveau. C'est ce que Paul Valéry disait d'une façon imagée, en paraphrasant La Fontaine : "Maître cerveau sur son homme perché".

Passons rapidement sur les étapes suivantes :

§ utilisation du feu il y a 500 000 ans,

§ première sépulture rituelle à Shanidar en Irak il y a 60 000 ans; pour la première fois la culture est allée au-delà de la confection et de l'usage d'instruments; l'homme s'interroge sur lui-même et commence ainsi à prendre conscience de sa propre existence;

§ il y a 40 000 ans, utilisation de repères matériels pour améliorer la conservation de la mémoire collective : dessins, peintures, sculptures rupestres;

§ maîtrise de l'élevage et de l'agriculture il y a 10 000 ans;

§ il y a 6 000 ans invention de la numération écrite suivie rapidement de celle de l'écriture et peu de temps après de la constitution des bibliothèques.

Le langage parlé est un instrument pour la transmission de la mémoire collective, pour la communication entre individus et aussi pour aider la pensée à élaborer ses concepts. Il se développe avec l'évolution de l'homme. Il est indispensable dans toute communauté humaine, et tout enfant l'apprend naturellement. On peut donc l'utiliser sans en prendre conscience. L'écriture et la lecture demandent un effort plus important. C'est pourquoi on peut dire qu'en inventant l'écriture l'homme prend conscience de l'importance du langage. L'écrit est non seulement un instrument qui permet la matérialisation de la parole, mais aussi un support extraordinairement puissant pour l'élaboration d'une pensée qui prend conscience d'elle-même. Sans l'écriture, la civilisation humaine actuelle est impossible, impensable. On ne voit pas , dans un avenir prévisible son remplacement par autre chose.

LES DÉBUTS DE LA PUISSANCE EUROPÉENNE :

Il y a près de mille ans, à l'extension du monde musulman, l'Europe chrétienne répond par les croisades. Comme après plusieurs siècles de combat la guerre entre musulmans et chrétiens s'était soldée par un match nul, les belligérants engagent la guerre du savoir et de l'intelligence. Les rançons se payaient en manuscrits. Au début, le monde musulman avait la suprématie pour ainsi dire absolue : il est non seulement le dépositaire des civilisations moyen-orientales, et méditerranéennes, mais il est aussi en contact direct avec les civilisations chinoises, indiennes et sud-est asiatiques. Ses bibliothèques sont les plus riches et ses savants font autorité. Une légion de traducteurs travaillaient en Espagne. Par exemple, les premières traductions des oeuvres d'Euclide en latin, sont faites à partir des textes arabes.

Mais l'Europe savait construire des cathédrales sans l'aide du théorème de Pythagore, ni celui de Thales. C'est donc avec avidité que les cerveaux européens avalent ces nouveaux aliments. L'Europe est une mosaïque de civilisations qui entrent en compétition militairement et aussi intellectuellement. C'est ce qui fait sa faiblesse mais aussi sa force.

D'autre part, le papier permet une multiplication rapide des manuscrits et des copies. Le long du Rhin il y a une multitude de villes relativement indépendantes les unes des autres. Chaque ville veut sa ou ses bibliothèques. Il faut donc des copies d'un même livre par centaines. C'est l'origine de l'invention de l'imprimerie par Gütenberg en 1434, ou plus exactement de sa réinvention, car elle l'était déjà en Chine plusieurs siècles auparavant, mais peu utilisée. L'imprimerie à son tour vient révolutionner les systèmes médiatiques médiévaux. Elle permet aux idées, exprimées dans une seule langue, le latin, de circuler librement d'un bout à l'autre de l'Europe.

Cette intense compétition intellectuelle aboutit à la prise de conscience fondamentale du principe qu'il fallait compléter les connaissances théoriques par sa vérification fondée par l'observation systématique et rationnelle de la nature et par l'expérimentation.

Christophe Colomb l'appliquait implicitement en découvrant l'Amérique. Il était également implicite dans les travaux scientifiques de Galilée. Elle était perçue explicitement, mais mal formulée par Francis Bacon au début du XVIIè siècle puis énoncée clairement par après par le "vrai est ce qui est vérifiable" de René Descartes.

Ainsi, la suprématie du monde occidental à partir de la renaissance provient fondamentalement :

a) de la connaissance de l'héritage culturel du monde entier,

b) du culte du savoir et de la compétition.

Un savant ou un homme de savoir est respecté universellement et peut voyager librement non seulement en Europe, mais aussi dans le monde musulman, même pendant les périodes de conflits armés. Enfin, l'Europe a compris la première nécessité d'élargir l'accès à la connaissance et d'instaurer progressivement la démocratisation du savoir.

Ainsi, l'histoire de l'homme se confond avec l'histoire des prises de conscience. Ces dernières se multiplient et s'amplifient avec le développement des possibilités matérielles pour conserver la mémoire collective de l'humanité, pour les communiquer et pour permettre à un nombre toujours croissant d'hommes d'y avoir accès.

Abordons maintenant le mécanisme qui conduit à une prise de conscience. Examinons par exemple l'utilisation du feu. D'abord seule une petite minorité savait comment se procurer le feu, comment le transporter et comment l'entretenir; ce n'est qu'après que les techniques enseignées à la communauté toute entière. Ainsi, le fonctionnement d'une communauté humaine est comparable à celui du corps humain. Les individus d'une communauté vivent en interaction constante les uns avec les autres pour se défendre et pour se procurer de la nourriture, un peu à la manière des interactions des organes d'un corps humain. Nous avons vu que, pour le corps, émerge la suprématie du cerveau. De même dans une communauté humaine, émerge l'importance des plus érudits, des plus intelligents, des plus capables, des plus courageux et de la nécessité de la collaboration harmonieuse entre eux et avec la communauté qu'ils dirigent, à la manière de l'harmonie entre le cerveau et le corps qui conditionne l'équilibre d'un individu.

Donc, le courage, la pensée, l'intelligence et la prise de conscience sont les armes essentielles dans la lutte actuelle pour la survie de notre nation. Alors, en accord avec toi, nous limitons pour l'instant notre débat à ceux d'entre nous qui pensent, qui sont correctement informés de la réalité de la situation du Cambodge et qui luttent contre l'agression nord-vietnamienne. Les idées ainsi lancées traverseront toutes les frontières et tous les obstacles. Elle atteindront nos compatriotes au Cambodge : ceux qui vivent provisoirement sous le joug nord-vietnamien comme ceux qui combattent sous la direction des trois composantes du GCKD. Elles atteindront nos compatriotes où qu'ils se trouvent, les aident à prendre conscience du fait national cambodgien et les mobilisent dans la lutte contre l'ennemi : le PCV.

(À suivre…)

Aucun commentaire: