samedi 20 octobre 2007

Présentation

S E T H I K
- C A M B O D G E -
PERSPECTIVES
Bulletin N° 1
Septembre-Octobre 1987
Bruxelles - Belgique



Chères lectrices, Chers lecteurs,

Le bulletin "PERSPECTIVES", pour la première fois, se veut comme un support de l'information, de la réflextion et de la communication au service de la Résistance contre l'occupation vietnamienne au Cambodge.

En nous efforçant de poser les vrais problèmes pour essayer de comprendre leurs sens profonds, nous espérons que la publication de ce journal servira comme un catalyseur pour une prise de conscience salutaires face au grave danger qui menace l'existence de notre nation.

Sur cette page, nous vous proposons des articles de Sethik sous le titre "Des négociations et le Parti communiste vietnamien", "La désinformation et le Cambodge" et "La réponse à Chau Sân".

Faites-nous part de vos opinions. Nous y prêtons une grande attention.

Merci d'avance.

PERSPECTIVES

Toute correspondance : apsara16@sympatico.ca

mercredi 17 octobre 2007

La désinformation et le Cambodge

LA DÉSINFORMATION ET LE CAMBODGE

Sun Tzu, stratège et philosophe de la guerre chinoise a écrit, cinq siècles avant Jésus Christ, un opuscule de 13 articles intitulés "L'Art de la guerre". Depuis lors aucun traité de ce genre ne l'a dépassé en étendue et en profondeur de jugement. Il est toujours d'actualité aussi bien pour ceux qui veulent dominer les autres que pour ceux qui veulent les combattre. Plus de deux mille ans plus tard, Clausewitz, général et théoricien militaire prussien de l'époque napoléonienne, qui a participé à la bataille de Waterloo a écrit un monumental traité intitulé "De la guerre" le seul qui soit comparable à celui du célèbre Chinois. Clausewitz écrivait que "la guerre n'est que la continuation de la politique par d'autres moyens". Sun Tzu, plus dialectique, pensait que la politique et la guerre sont les deux aspects d'une même volonté de vaincre, c'est-à-dire de dominer, et il énonce sa fameuse conception "L'Art suprême de la Guerre c'est de soumettre l'ennemi sans combat". Pour Sun Tzu, l'armée est l'instrument fondamental qui doit être, éventuellement, en mesure de donner le coup de grâce à un ennemi préalablement manipulé et arrivé à un état tel qu'il est déjà vaincu moralement, politiquement, stratégiquement et organisationnellement. Un ancien chef d'état major de l'armée soviétique écrivait, paraphrasant Sun Tzu "l'armée victorieuse attaque un ennemi démoralisé et battu d'avance".

A cette fin, le stratège chinois préconise l'emploi d'une sorte d'escrime stratégique faite de mouvements, de démonstrations, de menaces, de feintes ayant pour but de démoraliser et de diviser le camp adverse, et de persuader ses dirigeants qu'ils sont en situation d'infériorité telle qu'ils sont amenés à abandonner le terrain sans affrontement militaire coûteux. Il poursuit : tout l'art de la guerre est fondée sur la duperie, la supercherie et la simulation. "Je fais en sorte que l'ennemi prenne mes points forts pour mes oints faibles, mes points faibles pour mes points forts, tandis que je transforme en points faibles ses points forts et je découvre ses failles. Je dissimule mes forces de façon à les rendre indécelables. Impalpable, immatériel, je ne laisse aucune trace. Mystérieux comme une divinité, je suis inaudible. C'est ainsi que je mets l'ennemi à ma merci".

Voici quelques autres de ses préceptes :

- Appâter l'ennemi pour le prendre au piège.

- Celui qui est capable de faire venir l'ennemi de son plein gré (à un champ de bataille qu'il a choisi), y parvient en lui faisant miroiter quelque avantage.

- Lorsque l'ennemi est uni, divisez le. Le mieux, c'est de lui faire rompre ses alliances.

- Mettez le général ennemi en colère et égarez-le par des leurres.

Par contre de notre côté :

- En bon ordre attaquons un ennemi désordonné, et dans la sérénité attendons un ennemi vociférant qui ne sait plus où s'orienter.

- Ne nous jetons pas goulûment sur les appâts qui nous sont offerts.

Lorsque les envoyés de l'ennemi tiennent des discours plein d'humilité, mais qu'il continue ses préparatifs de guerre, il va attaquer.

Connaissons l'ennemi, connaissons nous-mêmes, alors nous sommes sûr de notre victoire.

Le treizième et dernier article de l'oeuvre de Sun Tzu est intitulé : "L'utilisation des agents secrets". Car s'il faut tromper l'ennemi, il importe de notre côté que nous soyons bien informés de sa situation réelle, de sa stratégie en cours, de ses manoeuvres tactiques, des pensées profondes de ses dirigeants, de son moral, de ses contradictions, de ses points forts comme de ses points faibles et de ses marges de possibilités de fausser notre jugement. Il convient aussi que nous soyons en mesure de lui donner des informations volontairement falsifiées en vue de lui faire modifier ses plans et surtout sa stratégie en notre faveur, et pour créer ou accentuer des dissensions en son sein et aussi avec ses alliés.

Le but recherché est de démoraliser l'ennemi et d'anesthésier sa volonté de lutte pour l'amener si possible à se soumettre sans combat.

En résumé, il est fondamental de ne point jamais perdre de vue que l'objectif final est la victoire. Pour l'atteindre, il ne faut pas s'embarrasser d'aucun scrupule. En clair, la fin justifie les moyens.

SU TZU ET LA "DÉSINFORMATION"

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les super-puissances ne peuvent plus s'aventurer dans une guerre chaude sans se détruire mutuellement. Cependant, leurs affrontements sont patents, partout, dans le monde et dans tous les domaines. Chaque partie, pour défendre ses intérêts, s'efforce par tous les moyens de faire évoluer le rapport global des forces en sa faveur. Elle profite ou fomente des guerres locales, elle intervient parfois directement, comme actuellement l'URSS en Afghanistan, pour gagner du terrain et pour affaiblir l'autre. Le monde vit toujours dans la période belliqueuse. "Or la paix belliqueuse, dit Raymond Aron, ne serait pas interrompue par une conférence des Grands ou une trêve solennelle. Elle ne disparaît qu'au jour où les Grands ne se batteraient plus par personne interposée, mais directement". Les tensions causées par des développements inégaux de l'économie mondiale ne sont pas non plus négligées. Dans les régions éloignées des conflits armés, elles ne peuvent jouer que sur les facteurs politiques, diplomatiques, économiques et moraux. Sur ces derniers champs de bataille les préceptes de Sun Tzu sont d'une utilité fondamentale, en particulier sur celui de la guerre des ondes et de l'information.

De nos jours, avec le développement explosif des moyens de communication, cette guerre revêt une dimension qui dépasse toutes le prévisions. L'URSS est la première puissance à se rendre compte de l'importance de cette nouvelle forme de lutte, à s'en servir et à la développer méthodiquement et scientifiquement. Elle s'est forgée une arme redoutable et redoutée connue aujourd'hui sous le nom de "désinformation". Elle sait la manier d'une façon cohérente, coordonnée, persévérante et patiente au service de sa politique, de sa diplomatie et de sa stratégie à l'échelle planétaire. Elle profite largement des possibilités offertes par la liberté de la presse et des médias des pays du monde occidental.

La désinformation consiste en un ensemble de procédés utilisant tous les acquis les plus récents de la science et de la technique dans tous les domaines, y compris celui des sciences sociales et de la psychologie, dans le but de manipuler l'information. C'est à dire soit amplifier certains côtés d'un fait réel pour frapper l'imagination collective ou celle de certains dirigeants, soit y ajouter des faux détails tout en lui gardant un certain caractère de crédibilité, soit mettre en scène tout un scénario ou utiliser l'impact de certaines images ou nouvelles bien choisies pour occulter un fait réel. L'objectif est d'influencer les jugements et les réactions d'un public bien déterminé ou d'un petit groupe de personnes bien ciblées pour qu'ils évoluent dans le sens désiré et fassent pression en conséquence sur leurs gouvernants dans le sens voulu. Les effets recherchés peuvent ne se manifester que parfois longtemps après, des années, voire une décennie et plus.

Ces informations manipulées sont véhiculées aussi bien par les moyens les plus sophistiqués que par ceux aussi anciens tel que les rumeurs lancées, puis reprises souvent en toute bonne foi par des journalistes ou même par des personnalités politiques.

Le tout est d'émousser graduellement, et finalement, d'annihiler la volonté de lutte du monde occidental et des pays du Tiers-monde non inféodés à l'URSS, d'exploiter les moindres contradictions ou d'en créer pour empêcher ces pays de s'unir, d'utiliser même les sentiments humanitaires naturels des peuples pour exciter leur compassion et leur pitié, et par ce biais, obtenir des concessions et des avantages pour des gouvernements dits amis de l'URSS qui oppriment leur propre peuple. Tous les moyens sans exceptions sont utilisés par le KGB pour servir sa stratégie de domination planétaire.

Les services spéciaux soviétiques analysent en permanence l'état de l'opinion publique dans tous les pays. Ils interprètent, transforment ou inventent des informations spécialement destinées à chaque pays ou à usage global. Ils sont coiffés par l'organisme le plus puissant de l'État soviétique : le KGB. Son budget n'a pas de limite et son chef est toujours un des hommes les plus puissants, sinon le plus puissant de l'URSS.

Heureusement, comme tout autre arme, la désinformation ainsi organisée n'est pas imparable. Il suffit d'en savoir démonter le mécanisme et de la retournée à notre tour contre l'ennemi, au service de notre propre stratégie et de notre cause. C'est en cela que les préceptes de Sun Tzu peuvent nous être précieux.

Le peuple afghan les a déjà expérimentés sans peut-être en connaître l'auteur. Ainsi l'URSS, embourbée dans sa guerre d'agression contre lui, se déclare haut et fort qu'elle désire retirer ses troupes et trouver une solution politique et lancé la campagne dite de "réconciliation nationale afghane", allant même jusqu'à proposer un cessez-le-feu unilatéral. En réalité, elle intensifie ses opérations militaires d'extermination et sa politique de répression déjà féroce.

La désinformation, efficace dans les pays en paix, a peu de prise sur ceux qui luttent. Le peuple afghan a tout de suite répondu en intensifiant sa guerre de guérilla qui est la base des difficultés soviétiques et en renforçant son unité de combat, en élisant un représentant unique à ses divers mouvements de lutte, appliquant ainsi ce précepte de Sun Tzu : quand l'ennemi, sans entente préalable cherche un répit, c'est qu'il complote.

LA DÉSINFORMATION ET LE CAMBODGE

La République Socialiste du Vietnam est un modèle réduit de l'URSS. Ce qui a été plus haut pour cette dernière est valable pour elle. Sa stratégie de domination régionale s'emboîte d'une manière parfaite dans la stratégie de domination mondiale de son modèle. Fin 1978, elle espérait pouvoir donner le coup de grâce au Cambodge, après une intense campagne d'intoxication dans le pays même et dans le monde. Elle pensait aussi pouvoir profiter des erreurs criminelles du Parti Communiste du Kampuchea. Mais contre toute attente, le peuple cambodgien s'est levé pour lutter, une lutte de plus en plus efficace, faisant perdre à l'agresseur l'initiative des combats sur le terrain, l'enlisant dans une guerre de longue durée, contrecarrant sa stratégie et celle de l'URSS. D'après Sun Tzu, jamais une guerre prolongée ne profite à un agresseur. Henri Kissinger a repris cette vérité à son compte en ces termes : "Le principe cardinal de la guérilla est que l'on gagne dès l'instant où on ne perd pas, alors que, pour une armée régulière, absence de victoire équivaut à la défaite".

Alors, comme l'URSS en Afghanistan, la RSV cherche aussi un répit et comme l'URSS, dans le même style, elle complote. D'où sa proposition d'un cessez-le-feu, puis actuellement la manoeuvre d'une rencontre informelle au sommet entre parties cambodgiennes pour une prétendue "réconciliation nationale", mais en réalité pour tenter de légitimer son régime installé à Phnom Penh et transformer aux yeux de l'opinion internationale sa guerre de conquête en une guerre civile. Comme en Afghanistan, nous nous attendons à des opérations de répression de très grandes envergures de la part de Hanoï à la saison sèche qui commence au Cambodge.

A l'instar des résistants afghans, nos compatriotes au Cambodge n'ont cure de campagne médiatique et diplomatique de l'ennemi. Ils sont confrontés aux dures réalités de la vie quotidienne, une vie de lutte permanente où ils peuvent passer de vie à trépas à tout moment, pour un oui ou pour un non ou même en ne disant rien. Ils ont à choisir entre le combat ou la servitude. Ce choix ils sont obligés de le faire et ils l'ont déjà fait. Leur lutte s'intensifie. Ils constatent par leurs propres expériences vécues que le corps expéditionnaire de la fameuse armée de la RSV n'est pas plus invincible que celui de l'URSS en Afghanistan. Ils voient que le temps ne travaille pas pour l'ennemi, puisque leur lutte s'amplifie. L'échec de la khmérisation de la guerre d'agression et d'annexion nord-vietnamienne contre notre pays est tangible maintenant pour le monde entier, comme vient encore d'en témoigner le récent vote toujours plus massif à l'ONU pour exiger le retrait de toutes les troupes d'agression du Cambodge.

Les plus vulnérables sont nous qui vivons à l'étranger, dans des sociétés surmédiatisées, loin des réalités de la lutte au pays. Que nous le voulions ou non, nous sommes la cible désignée de la campagne ennemie de désinformation. La RSV sait parfaitement que nous pouvons jouer un rôle important sur la scène internationale. Dans le déferlement des informations qui nous submergent et où le vrai, le faux et les plus subtiles, subterfuges se côtoient, ne risquons nous pas de nous laisser de nous prendre au piège de l'ennemi, à notre insu. Pris dans cet engrenage qui fausse notre jugement, nous pouvons être conduits à épouser inconsciemment sa cause et à desservir la nôtre.

Alors comment faire ?

La grande majorité d'entre nous vivent par petits groupes, essayant de nous intégrer dans la société du pays où nous vivons. Mais l'identité nationale et culturelle, vieille de plus de trois mille ans, imprimée en nous d'une façon indélébile depuis notre naissance, nous oblige à penser à garder la liberté de nos opinions tout en nous préservant de la désinformation ennemie ? Les leçons de ce stratège chinois et celle de notre histoire peuvent nous servir de guide :

1) Bien connaître la nature de l'ennemi, en l'occurrence, l'une des plus tenaces et des plus sournoises du monde, et aussi nous connaître nous-mêmes, nos qualités comme nos défauts, nos forces comme nos faiblesses, sans les surestimer ni les minimiser.

2) Bien cerner les objectifs stratégiques de l'ennemi; avoir en permanence notre esprit rivé à eux. Ils sont dans le premier temps, annexer notre pays, dans le deuxième temps, poursuivre son avancée en Thaïlande et dans l'Asie du Sud-Est. Il n'a que faire d'un Cambodge indépendant souverain et neutre tant que le rapport des forces ne l'aura pas obligé à réviser sa stratégie.

3) Bien prendre conscience de nos points forts qui sont autant de points faibles pour l'ennemi ainsi que des manoeuvres auxquelles il se livre pour les inverser en leur faveur. Nos points forts, c'est la montée croissante de notre lutte; l'hostilité grandissante de notre peuple contre les crimes et les répressions des conquérante nord-vietnamiens; sa participation active à la lutte armée et sous toutes les formes, entraînant le soutien et l'aide de plus en plus puissants de la communauté internationale en particulier ceux de la Thaïlande et de ses partenaires de l'ASEAN, ceux de la Chine et des Etats-Unis d'Amérique; l'isolement presque total et irréversible de l'ennemi. C'est aussi en conséquence les problèmes insurmontables au Vietnam même et au sein de son équipe dirigeante.

4) Nous en tenir fermement à nos objectifs stratégiques qui sont de recouvrer l'indépendance et la souveraineté nationale dans l'intégrité territoriale. Le GCKD est le seul gouvernement légitime et légal, confirmé, reconnu par la lutte de notre peuple sur le terrain et par les votes à l'ONU. Le retrait total des troupes nord-vietnamiennes est la condition fondamentale sans concession possible. C'est la garantie de la pérennité de notre nation.

5) Ne jamais perdre de vue certains principes imposés par l'histoire qui régissent le monde dans les rapports entre Etats :

· "Dans les relations internationales, il n'y a que des intérêts d'Etat, il n'y a pas d'amitiés" (Chou En Lai), avec ce sous-entendu qu'il n'y a pas non plus de moralité ou de communauté d'idéologie. Raymond Aron compare les Etats à des "monstres froids".

· Dans les relations entre Etats, seul le rapport global des forces compte. "Le monde ne prend en considération que les paroles des forts", (général américain Georges Marshall). Autrement dit, la force prime le droit, la raison du plus fort est toujours la meilleure.

· La guerre est une confrontation de deux volontés. La plus ferme et la plus tenace finira toujours par l'emporter.

SEULE LA LUTTE ACTIVE PEUT VAINCRE LA DÉSINFORMATION

Les discussions académiques, les discours et les conseils émanant même de ceux des personnalités éminentes ne nos permettent pas de nous battre efficacement contre la désinformation. Seul la lutte active, déterminée, persévérante et tenace contre l'agression nord-vietnamienne peut le faire, une lutte menée en parfaite concordance avec celle de notre peuple sur le terrain.

Seule la lutte peut nous permettre de :

· atteindre l'ennemi dans ses forces vives, dans ses plans et l'oblige à réviser ses objectifs stratégiques, et faire triompher les nôtres;

· nous rendre compte par nous mêmes que le temps travaille pour nous.

· distinguer le vrai du faux;

· faire l'unité parmi nos compatriotes, combler entre autres le fossé qui les sépare, fossé légué par l'histoire, tel récemment celui de la guerre fratricide de 1970-1975 et aggravé par la politique de division nationale de 1975-1978;

· dépasser les querelles de clocher et de personnalités, et aborder les vrais problèmes;

· voir clair en nous-mêmes, avoir confiance en notre force et celle de notre peuple et en conséquence en l'avenir de notre nation;

· faire l'apprentissage de la démocratie et nous habituer à respecter toutes les opinions même et surtout quand elles nous déplaisent;

· mettre nos organisations à l'épreuve et aussi les améliorer pour les rendre toujours forts et plus efficaces.

Nous pouvons aborder sans complexe le problème fondamental de notre avenir. Alors, ce qu'écrivait, Raymond Aron prendra tout son sens : "On confond souvent le sens de l'histoire avec le culte de la tradition ou le goût du passé. En vérité pour l'individu, comme pour les collectivités, l'avenir est la catégorie première. Le vieillard qui n'a plus que des souvenirs est aussi étranger à l'histoire qu'un enfant absorbé dans un présent sans mémoire. Pour se connaître soi-même, comme pour connaître l'évolution collective, l'acte décisif est celui qui transcende le réel, qui rende à ce qui n'est plus une sorte de réalité en lui donnant une suite et un but".

Ils ne s'agit pas d'oublier le passé, il fait partie de notre histoire nationale. Quelle que soit l'opinion de chacun d'entre nous, il est une réalité incontournable. C'est en luttant ensemble contre la stratégie de la "Fédération Indochinoise" de la RSV que nous pouvons entrevoir les possibilités de construire entre khmers un avenir acceptable pour tous, pour que vive notre nation.

Seule la lutte nous permet de retourner contre l'ennemi les enseignements de Sun Tzu, de les utiliser pleinement et de les adapter à notre tempérament et aux conditions spécifiques de notre combat.

Seule la lutte peut tremper notre volonté de vaincre pour faire pièce à celle de l'ennemi.

De plus en plus ferme et de plus en plus efficace et sous toutes les formes, nos compatriotes vivants à l'étranger, plus particulièrement en Europe Occidentale, aux USA et au Canada luttent contre les agresseurs nord-vietnamiens. Selon Sun Tzu, l'ordre ou le désordre dépend de l'organisation, le courage ou la faiblesse des circonstances. Lorsque la situation est favorable, le faible devient courageux, mais dans une situation défavorable le courageux devient faible. Nous avons la conviction que la lutte actuelle fera boule de neige et deviendra une force dont il faudra tenir compte.

Déjà les discussions à l'intérieur de chaque groupe et de chaque organisation sont de plus en plus démocratiques et portent sur de vrais problèmes qui touchent à la vie ou à la mort de notre nation. Ce faisant, chaque organisation devient de plus en plus forte et l'union de combat entre elles se consolident.

Les jeunes entrent résolument dans la lutte surtout les femmes dont nombreuses sont présidentes d'associations. Ils ont confiance en eux-mêmes et en leurs forces. Ils sont l'avenir de la nation, la relève. Ils ont moins de problèmes de personnalité, ils ne sont pas emprisonnés par le passé, et, l'avenir leur appartient.

C'est dans ces conditions que nous, qui vivons à l'étranger, avons le droit, le pouvoir et le devoir de participer pleinement à l'élaboration de la politique à l'échelle nationale sur les points fondamentaux concernant la lutte actuelle et l'avenir de notre nation.

Seul ceux qui luttent ont le droit à la parole et sont écoutés, comme seuls les peuples qui luttent ont le droit à disposer d'eux mêmes. Personne ne peut le faire à leur place.

Des négociations et le Parti communiste vietnamien (Partie 1)

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DES NEGOCIATIONS ET LE PARTI COMMUNISTE VIETNAMIEN (1 de 2)

Les enseignements de l’histoire, même récente sont souvent vite oubliés. Nul pourtant n’ignore que pour lutter contre le Parti communiste vietnamien (PCV), ce qui importe le plus c’est de ne pas perdre de vue ne serait-ce qu’une seconde son objectif stratégique et de savoir déchiffrer à temps ses manoeuvres tactiques sur le plan politique et diplomatique pour semer la confusion et la désunion dans le camp adverse quand sur le plan militaire il rencontre des difficultés. Oubli, dont l’Amérique a fait la désastreuse expérience dans ses négociations lors de la longue Conférence de Paris (1968-1973) et qui l’a conduite finalement à la débâcle que l’on sait. Le Secrétaire d’Etat de l’époque, Henry Kissinger, surnomé pourtant par certains le Metternich du XXème siècle, s’en est amerement repenti, trop tard. Mais, il a laissé dans ses volumineux mémoires des sujets précieux de méditation pour nous Cambodgiens, aujourd’hui confrontés aux sournoises manoeuvres du même ennemi devenu maintenant le maître de la République Socialiste du Vietnam (RSV).

L’objectif stratégique de l’époque, le masque de l’hypocrisie du PCV tombe et le voile de la désinformation médiatique levé, n’est autre que la mainmise du régime totalitaire du nord sur le sud, première étape de sa politique expansionniste vers le CAMBODGE, la THAILANDE et le Sud-Est Asiatique. L’offensive militaire du nouvel an vietnamien (janvier 1968) s’était soldée certes par un échec militaire mais a produit un grand retentissement politique médiatique en sa faveur dans le monde occidental et surtout en Amérique. Hanoï a exploité la situation et l’utilisée a son profit pour obtenir un répit dont il a besoin. Comme l’Amérique voulait se désengager militairement, les négociations ont pu avoir lieu à Paris le 11 mai 1968. Le PCV, pour atteindre son objectif stratégique, se base sur deux principes fondamentaux :

1) Les USA en intervenant militairement est un agresseur. En conséquence ils doivent retirer leurs troupes unilatéralement sans conditions.

2) Le Gouvernement de la République du Vietnam (Saïgon) est un régime fantoche installé par des troupes étrangères et qui ne peut de ce fait, sous aucun prétexte, se réclamer d’une légitimité quelconque.

Dans ses longues négociations avec les USA, le PCV, pourtant pratiquement battu au sud, comme on le sait aujourd’hui, n’a jamais cédé un d’iota ni sur son objectif stratégique ni sur ses principes pour l’atteindre. On se rappelle des longs marchandages rien que pour déterminer la forme de la table de conférence. Ils avaient pour but d’obtenir une reconnaissance de facto du Gouvernement Révolutionnaire Provisoire du Sud Vietnamien (GRP) qui n’est autre que la façade du PCV au Sud. Les dirigeants officiels du GRP ne vivaient-ils pas en permanence à Hanoï? En échange, le PCV s’engage solennellement a respecter l’auto-détermination au Sud-Vietnam. Finalement, après près de 5 ans de négociations mouvementées, le 27 janvier 1973 les Accords de Paris furent signés par les États-Unis et la République du Vietnam. Ils stipulaient le retrait simultané des troupes américaines et nord-vietnamiennes du Sud Vietnam. Si celui des premières fut effectif celui des secondes fut un leurre : les troupes de la République Démocratique du Vietnam (Hanoï) pouvaient demeurer sur place sous la fiction de celles du GRP; le même label. C’est ce qui a eu lieu en 1975. On sait que l’issue finale et fatale fut la chute de Saïgon et de la République du Vietnam.

Ces faits qui appartiennent maintenant à l’histoire contemporaine appellent pour nous, Cambodgiens, confrontés au même ennemi deux remarques :

a) Les mots légitime et légal viennent tous les deux du même mot latin lex, legis (loi). Les deux notions sont si intimement liées et confondues, sinon en droit du moins en fait dans l’opinion publique, que, dans le feu de l’action, des hommes d’Etat pourtant bien entourés d’experts en tout genre oublient d’en faire la distinction. Ainsi, on a coutume de les associer purement et simplement en disant d’un gouvernement représentant d’un pays qu’il est à la fois et légitime.

Or les deux mots sont des supports de concepts différents et peuvent entraîner des conséquences divergentes. Ce qui est légal n’est pas forcément légitime. La légitimité d’un pouvoir ne se donne pas, elle s’acquiert. Elle puise ses racines dans l’adhésion de la volonté populaire. Elle peut être un legs de l’histoire, confirmé par l’absence de contestations sérieuses. Elle peut être aussi le fruit de la victoire d’une lutte interne ou d’une guerre contre une occupation étrangère.

La légalité elle, n’est qu’une superstructure juridique que se donne un régime même illégitime pour acquérir ses lettres de noblesse. Dans la hiérarchie des normes morales, sociales et juridiques, le légitime prime le légal. Mais les frontières entre les deux sont si fluctuantes et par le jeu des rapports de forces dans le pays concerné et ses répercussions dans l’arène internationale, on peut passer de l’un à l’autre sans parfois que l’un des belligérants, la victime, s’en aperçoive. Le PCV et l’URSS le savent fort bien et cherchent toujours à doter les pouvoirs qu’ils mettent en place de tous les attributs possibles d’un Etat, particulièrement de cette légitimité qui leur manque. Dans ce but, ils ne respectent aucun engagement ni aucun accord, même solennellement signé.

b) Dans le monde surmédiatisé actuel, l'opinion publique internationale, surtout celle du monde occidental, joue un rôle très important parfois déterminant. Ce n'est pas sans dessein que Paris a été souvent choisi. L'URSS et le PCV en sont parfaitement conscients et sont maîtres dans l'art et la technique bien connu maintenant sous le vocable de "désinformation", traduction du russe "désinformatzia". Par expérience, ils savent aussi que les principes, les idées, les concepts comme les mots comportent en eux-mêmes une logique et une dynamique souvent sous-estimées ou méconnues. C'est pourquoi ils se battent sur des mots, sur la forme d'une table de conférence, sur des petits détails qui semblent futile. Souvent agacé, par lassitude, ou méconnaissant les méandres et les arcanes de leur dialectique machiavélique ou encore au nom d'un certain réalisme on leur cède. On est alors enchaîné dans un mouvement, dans un engrenage dont on ne perçoit les effets pernicieux qu'une fois les faits accomplis.

Nous avons vu comment le PCV, a pu, par ce stratagème, à la Conférence de Paris, donner une certaine légitimité au GRP malgré l'échec de l'offensive de janvier 1968, transformer la conférence en tribune de propagande, pour semer la zizanie dans le camp adverse en particulier dans l'opinion publique américaine puis utiliser les accords conclus de telle sorte que le retrait simultané finit par devenir un retrait américain unilatéral. Ainsi, on voit comment le PCV a su habilement utiliser les négociations à la fois comme arme de combat et comme période de répit pour reconstruire des forces en sa faveur et occuper la totalité du Sud-Vietnam. Tant il est vrai -vérité de Palice- qu'on ne peut obtenir à la table de conférence plus que ne le permet le rapport des forces sur les champs de bataille.

La leçon que l'on peut en tirer est qu'on ne peut triompher d'un ennemi aussi dur, tenace et sournois tel que le PCV qu'en se faisant de son objectif stratégique et de ses principes utilisés dans ce dessein, une constante de notre pensée, qu'en nous pénétrant de l'idée qu'il peut varier dans ses tactiques au gré des circonstances pour se donner au monde l'image de l'honorabilité et de la souplesse, mais qu'en aucun cas il ne cède sur le fond.

Ne risquerions-nous pas d'être aujourd'hui victime de ce même stratagème? Les États-Unis d'Amérique ont payé cher leur erreur, d'une débâcle militaire et diplomatique sans précédent dans leur histoire. Le Cambodge, s'il oublie cette leçon se verrait sanctionné par sa disparition pure et simple de la carte du monde, comme l'est déjà notre Kampuchéa Krom.


EXPERIENCES CAMBODGIENNES AVEC LE PCV

Les accords de Genève sur le Cambodge de 1954 signés, le PCV ne les a pas respectés, les troupes nord-vietnamiennes continuaient d'occuper au Nord-Est de notre pays, une bande de territoire de plus de 10 km de profondeur le long de nos frontières avec le Laos et le Sud-Vietnam. Elle constituait à la fois comme la terminale de la piste Ho Chi Minh et comme base pour ses troupes opérant au Sud-Vietnam. Dans les années 60, en échange de la possibilité d'utiliser le Cambodge pour faire transiter ses armes, le PCV par la voie du GRP suivi par celle de la RDV, s'engageait solennellement à respecter les frontières de notre pays léguées par la période coloniale pourtant à notre détriment. Mais, en 1975, après l'occupation de Saïgon, le même PCV, par la voie de la République Socialiste du Vietnam déclare qu'il n'a pas à respecter les promesses faites à une période où il n'était pas libre, car il était occupé à lutter contre l'intervention américaine. Après l'entrée des troupes du Parti communiste du Kampuchea (PCK) dans Phnom Pehn, le PCV continuait toujours d'occuper cette bande de territoire au nord-est de notre pays et exigeait même des négociations pour fixer de nouvelles frontières avec le Cambodge.

Le PCK, emprisonné dans son dogmatisme idéologique, analysant mal les causes profondes du rapprochement sino-américain concrétisé par la visite de Nixon en Chine en 1972, considérait toujours les USA comme l'ennemi principal suivi des pays du monde occidental, il en venait à considérer le PCV comme un ennemi ayant une interprétation différente de la même idéologie donc moins dangereux. C'est tout simplement oublier ses objectifs stratégiques régionaux en accord avec ceux planétaires de l'URSS. C'est dans cet esprit que le PCK entrait en négociation avec le PCV. On sait ce qu'il en advint et le processus était prévisible, qui aboutissait à la chute de Phom Penh le 7 janvier 1979 et à la débâcle devant l'invasion massive des armées nord-vietnamiennes.

Heureusement la Thaïlande, elle, première intéressée suivait de près les événements. Elle a une longue, très longue expérience de préservation de son indépendance et de sa souveraineté principalement par la politique et la diplomatie. Elle a les yeux rivés aux objectifs stratégiques de la RSV et ceux de l'URSS. Elle sait qu'elle est la prochaine victime désignée après le Cambodge. Elle n'a que faire des problèmes idéologiques. Elle connaît par expérience la véracité de la pensée bien connue de Chou En Lai face à l'URSS : "Dans les relations internationales, il n'y a que les intérêts d'État, il n'y a pas d'amitiés" avec ce sous-entendu : qu'il n'y a pas non plus de moralité ou de communauté d'idéologie. Raymond ARON disait d'une façon plus imagée dans un article consacré en grande partie à notre pays, que nous vivons "dans un univers de monstres froids". La Thailande s'était donc préparée à la nouvelle situation. C'est ainsi qu'elle n'a pas hésité a soutenir les débris de l'Armée du Kampuchea Démocratique face à l'impressionnante armée vietnamienne, puissamment aidée par l'URSS.

A l'époque, avec les erreurs criminelles du PCK et devant une armée qui se targue d'être la quatrième de la planète, le monde entier avait cru que s'en était fini de la nation cambodgienne. Le Cambodge était à effacer de la carte du monde. Il fallait donc aller au secours des vainqueurs vietnamiens et crier haro sur le petit Cambodge. Sur l'arène internationale, on n'aime pas venir au secours de l'agneau de la Fable. C'est ce qui explique l'acharnement de certains médias contre notre pays. Quelques uns allant jusqu'à écrire maintenant encore en 1987 que parmi les émigrés, les Chinois venant du Cambodge sont pires que ceux venant du Vietnam et jusqu'à nommer la partie du XIIIème arrondissement de Paris où se trouve implanté un grand nombre de restaurents et de boutiques chinois, le "Saïgon sur Seine" alors que la majorité de ces Chinois viennent du Cambodge.

C'est enterrer bien vite un peuple qui a plus de trois mille ans d'histoire culturelle continue et qui de ce fait possède une identité culturelle imprimée d'une façon indélébile dans sa vie courante et qui a toujours montré sa vitalité face à toute tentative de le détruire. C'est aussi ne pas compté sur la réaction spontanée de la grande majorité de la communauté internationale qui à l'ONU refuse de reconnaître la légitimité d'un régime installé par une puissance armée étrangère qu'est le régime Heng Sarin. Ce sont là les raisons principales qui font que le PCV n'arrive pas à consolider le régime fantoche, à khmériser sa guerre contrele peuple cambodgien et par la suite est obligé de maintenir une armée de plus de 150 000 hommes au Cambodge.

Aujourd'hui, après plus de 8 ans de cambat, le PCV, qui a cru ne faire de notre pays qu'une bouchée, se trouve dans une impasse totale, enlisé, isolé, condamné de toutes parts, obligé d'imposer au peuple vietnamien un fardeau devenu de plus en plus lourd né de problèmes complexes, mais tous liés à sa politique d'agression. "Le principe cardinal de la guérilla, a écrit Kissinger qui s'y connaît bien en la matièrepour l'avoir véçu à son dépens, est que l'on gagne dès l'instant où on ne perd pas, alors que, pour une armée régulière, absence de victoire équivaut à une défaite".

Ainsi, le Cambodge reste toujours indompté et indomptable. Il continue de poser un problème crucial, insoluble pour les dirigeants de la RSV, un obstacle incontournableet insurmontable à la percée du rempart qui défend la Thailande et ses partenaires de l'ASEAN. Le PCV sait donc que le temps ne travaille pas pour lui et qu'un répit lui est nécessaire. Pour atteindre son objectif stratégique, la voie purement militaireest devenue très difficile, il lui faut donc ouvrir un autre front, celui de la diplomatie et de la négociation. Il ne proclame plus que la situation au Cambodge est irréversible.

Dès lors, de nouveau, comme une répétition de l'histoire, parallele saisissant que nous ne pouvons pas ne pas nous rappeler, un stratagème diplomatique analogue s'ébauche, se dessine, se forme, se dévoile, fondé sur des principes dont la forme peut être toujours concédée, mais jamais de fond. Ces principes ne sont autres que ceux-là même qui ont fait leur preuve à la Conférence de Paris :

· Obtenir la reconnaissance de facto et une parcelle de légitimité par le processus de réunion formelle ou informelle pourvu qu'elle s'engage au sommet entre le légitime et légal GCKD et le régime de Phnom Pehn qui en est dépourvu.

· Affaiblir la résistance cambodgienne en semant la confusion et la désunion au sein du GCKD, amener celui-ci à dialoguer et à négocier avec lui-même.

· Transformer juridiquement et médiatiquement la guerre d'agression en guerre civile sous le regard intéresséet amusé de Hanoï.

· Miner le soutien grandissant que le communauté internationale apporte à notre cause. En particulier nous faire entrer en contradiction avec nos soutiens stratégiques les plus fermes que sont la Thailande et la R.P. de Chine, pays dont les intérêts fondamentaux comme les notres sont directement menacés par la stratégie expansionniste de du PCV.

· Obtenir un répit pour rétablir en sa faveur un rapport de forces aujourd'hui à son désavantage puis finalement faire basculer la légitimité tant recherchée au profit de ses fantoches.

· Dès le départ, sans contre partie aucune, ce stratagème va lier le GCKD, qu'on le veuille ou non, à un processus extrêmement dangereux. La parcelle de légitimité que le GCKD donnerait gratuitement au régime de Phnom Pehn entraînerait entre autres choses la reconnaissance de la validité des traités léoniens, jusqu'à présent sans valeurs juridiques, parce que signés entre maîtres et esclaves.

Ainsi, le stratagème réussi, la vietnamisation d'un Cambodge désarmé, et sans amis sûrs dans le monde, ne sera plus qu'une question de temps. Les pays de l'ASEAN s'en sont vite aperçus, en première ligne la Thailande qui, toujours instruite de son histoire et de ses traditions comme le remarque fort justement un de nos dictons populaires, a apporté dès les premiers jours de l'invasion vietnamienne, son soutien plein et entier à un Cambodge bien mal en point. La R.P. de Chine également. Parfaitement informés de la réalité du rapport des forces dans les domaines militaire, politique, économique et diplomatique sur le terrain et dans le mond, ils ne se sont pas laissés impressionner par le bluff vietnamien qui proclame à tous ceux qui veulent l'entendre, qu'il n'y aura plus de problème cambodgien au terme de l'année 1990 et qu'alors la RSV aura évacué toutes ses troupes.

Les souffrances du peuple khmer sont certes indicibles, incommensurables. Elles nous interpellent tous, à chaque instant de notre vie quotidienne. Trouver une solution le plus rapidement pour y mettre un terme, dans l'honneur, la dignité avec la sauvegarde de l'indépendance, de la souveraineté et de la liberté est un impératif sur lequel toutes les forces en lutte confondues, quelles que soient leurs tendances politiques ou leurs idéologies, doivent s'accorder. Mais comment la rechercher et l'obtenir si déjà nous jugeons que le temps travaille contre nous? Comment pourrions nous dans le désarroi arracher à la table de conférence plus que ne le permet notre situation sur le champ de bataille? A-t-on déjà vu le PCV avoir de la pitié ou de la compassion pour qui que ce soit? Nous souhaitons vivement nous tromper. Ce serait un événement historique absolument sans précédent dans l'histoire de l'humanité. D'autre part négocier sous les conditions ennemies ne serait-il pas déjà une capitulation? Ces prétendues négociations sans conditions ne sont elles pas en fait des négociations aux conditions vietnamiennes?

Nous craignons fort que la seule voie possible pour recouvrer l'indépendance et la souveraineté de notre nation est de continuer la lutte sous toutes les formes, plus particulièrement la lutte armée, souple dans son expression sur le plan diplomatique mais ferme dans nos objectifs stratégiques et nos principes. Ces derniers sont déjà réduits à leur plus simple expression dans la proposition en 8 points avancée par le GCKD le 17 mars 1986.

Dans les relations internationales puissions-nous avoir toujours à l'esprit les sages paroles précitées du grand homme d'Etat chinois Chou En Lai, complétées par le second volet du diptyque, celles du général américain George Marshall : "Le monde ne prend en considération que les paroles des forts". Cette parole est particulièrement vraie pour l'URSS et le PCV. C'est pourquoi ne serait-il pas plus prudent de nous méfier des personnes "bien intentionnées" qui prétendent n'avoir "aucun intérêt" dans l'affaire, qui nous donnent des conseils ou des garanties et qui nous proposent des solutions qui démentent toutes les leçons de l'histoire. Les conseils sont gratuits, mais les conséquences, ce sont ceux qui y ajoutent crédit qui les subissent. À écouter le chant des sirènes ne risquons-nous pas de tomber de Charybde en Seylla pour finalement sombrer corps et âme?

Ainsi, si pris au piège de ce stratagème, nous finissons par avoir des dissensions entre les différentes parties de la résistance et avec nos alliés principalement l'ASEAN, la Chine et les États-Unis d'Amérique pendant que l'ennemi, les bras croisés, tranquillement nous observe avec condescendance et ne cède d'un iota sur sa position, alors nous serions pris dans l'engrenage actionné par l'ennemi pour nous conduire inexorablement à notre perte. Aucun de nos compatriotes, conscients des ses responsabilités envers l'avenir de notre pays, ne peut accepter qu'on s'engage à la légère dans cette voie.

LE PROBLÈME DU PCK

Mais dure réalité, et c'est le drame dans notre combat, les forces du PCK continuent à être le fer de lance de la lutte armée contre les envahisseurs vietnamiens. Mais, cette Partie ne dépit de ses discours, ne nous donne pas du tout l'impression de changer de nature ni de nous rassurer sur sa sincérité tout au moins sur le changement de sa politique intérieure. Il est même regrettable qu'à l'heure ou il fallait aplanir, calmer les divergences, le PCK se croit autorisé de publier des documents où il parle déjà avec arrogance comme seul maître du pays, ne reniant rien de ses aberrations passées sauf de pécadilles, alors qu'il se serait honoré plutôt en les reconnaissant à la fois pour leur propre crédibilité et pour permettre une collaboration plus étroite parce que plus sincère entre toutes les forces en lutte.

Car s'il est un Tribunal pour juger les crimes contre le peuple cambodgien, il faudrait juger d'abord les crimes actuels, c'est-à-dire ceux monstrueux que les envahisseurs vietnamiens continuent à perpétrer sur notre sol. Il n'est pourtant pas difficile de reconnaître ses erreurs dans l'intérêt national, même si les autres ne le font pas, car les faits sont là irrécusables, vécus par l'immense majorité de nos compatriotes. Si beaucoup se taisent c'est par pur patriotisme, par respect pour le sang versé par notre peuple et ses combattants en lutte contre les envahisseurs vietnamiens.

Ainsi, la victoire du 17 avril 1975 est celle de toute une nation qui a hâte de mettre fin à une guerre fraticide et non celle uniquement d'une classe ou d'une armée. Le peuple aspirait à la paix, à la démocratie, à l'indépendance, à la souoveraineté et à la dignité. "L'évacuation de Phnom Penh" pour utiliser un euphémisme, a entrainé des victimes innombrables dont il serait plus honnête de fixer un chiffre plus crédible si l'on veut contrecarrer la propagande de l'ennemi. La destruction de notre culture nationale plus que trois fois millénaires, qui est la base de la cohésion nationale et qui préserve notre identité face à la vietnamisation, au nom d'un dogmatisme idéologique a instauré une ère d'obscurantisme qui ne profite qu'à l'ennemi. La méconnaissance de l'histoire nationale et une évalutation erronée des intérêts nationaux fondamentaux et surtout une sous-estimation des objectifs stratégiques de l'ennemi ont conduit à l'isolement de notre pays au profit de l'ennemi au moment crucial. Et pour couronner le tout une économie revenue à l'époque tribale fondée sur la suppression de l'usage de la monnaie.

Mais cela est un problème interne cambodgien. Il appartient à notre peuple et surtout à ceux d'entre-nous qui se sentent responsables à divers degré de l'avenir de notre nation de mener cette lutte pour contraindre le PCK à une politique qui répond aux aspirations et aux intérêts fondamentaux de notre peuple. Le recours à l'étranger, notre histoire nous l'apprend, ne peut que servir les intérêts étrangers.

Pour que notre nation vive, pour qu'une union nationale véritable puisse se réaliser le plus rapidement possible, non pas sur le papier, mais dans les coeurs, il importe qu'elle ne se fasse pas sur une adhésion totale à soi, proclamé comme seul détenteur de "la" Vérité, mais sur une adhésion d'une part à un ensemble de valeurs morales, culturelles, sociales léguées par notre histoire et qui constituent les fondements de la solidarité et de l'identité de notre peuple, les inexpugnables remparts qui ont préservé jusqu'ici notre nation de sa disparition, d'autre part sur la démocratie, le respect de l'autre, la tolérance et les libertés fondamentales qui sont les aspirations profondes de notre peuple.

La réalité de notre lutte est ainsi faite. Si nous ne voulons pas nous laisser enfermés dans le dilemme et ainsi condamnés à l'inaction, il faut lutter toujours plus implacablement contre l'ennemi, le Parti Communiste Vietnamien, jusqu'à la libération totale de notre Patrie. Affiler nos armes de combat, n'exclut pas des négociations sur des principes et bases bien établis en plein accord avec nos partenaires et nos alliés. Dans les relations internationales, les liens les plus solides sont ceux dictés par la convergence des intérêts. Un nombre croissant de nos compatriotes l'ont déjà compris. Ils participent à des nombreuses manifestations contre les agresseurs vietnamiens partout dans le monde. C'est seulement alors que nous pourrons imposer au PCK une ligne politique sincère, conforme aux engagements pris, établir des relations basées sur la démocratie et rendre au peuple ses libertés et ses droits fondamentaux. Nous aurons à faire comprendre au PCK, par le jeu des rapports de forces au sein de notre peuple, que si le pouvoir est au bout du fusil, le fusil seul ne peut le préserver et que, comme écrivait sous une autre forme Raymond Aron, si sans pouvoir militaire on ne peut rien, avec le seul pouvoir militaire on ne peut tout faire.

Ce dilemme est le maillon faible du GCKD depuis le premier jour de sa formation. Les dirigeants du PCV, bien que conscients, n'en avaient cure jusqu'à ces derniers temps. Ils pensaient pouvoir résoudre le problème cambodgien militairement. Maintenant qu'ils s'enlisent, ils utilisent à fond ce maillon faible pour désorganiser la résistance nationale et embarrasser nos soutiens stratégiques que sont la Thailande et ses partenaires de l'ASEAN ainsi que la R.P. de Chine, espérant obtenir une période de répit pour refaire ses forces.

C'est dans ce contexte que se situe l'opération de charme par personnes interposées, la tactique de négociations prétendues sans conditions entre parties cambodgiennes au légitimité et de légalité et un régime qui ne représente rien. Pour un public non averti la permutation des points 1 et 4 de la proposition du GCKD en 8 points semble futile, de pure forme, une concession mineure. Mais si l'on examine bien de près, elle est d'une portée fondamentale. Car juridiquement elle fait d'une guerre d'agression, une guerre civile, autorisant les nord-vietnamiens à retirer leurs troupes selon leur bon plaisir. Les négociations aux conditions vietnamiennes. Toute personne avisée ne peut s'y laisser tromper.

La guerre est une confrontation de deux volontés, celle du PCV est de fer. Si nous voulons la libération de notre patrie, il faut que nous nous armions d'une volonté d'acier. Le chemin de notre lutte est encore âpre, dur et malaisé, mais le temps travaille pour nous et contre l'ennemi. La vietnamisation du Cambodge ne sera pas inéluctable, car notre peuple se bat avec acharnement sur le terrain et la situation dans le monde évolue en notre faveur.

"C'est le fait d'un grand peuple que de savoir s'unir dans le malheur" a dit le Général de Gaulle, ce Chef prestigieux de la France contemporaine. Puisse, pour la survie de notre nation, cette vérité soit aussi la nôtre.
(À suivre...)

Des négociations et le Parti communiste vietnamien (Partie 2)

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DES NEGOCIATIONS ET LE PARTI COMMUNISTE VIETNAMIEN (2 de 2)

(... suite de la partie 1)
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Au moment où le premier numéro de Perspectives sortait, nous avons pris connaissance du communiqué en anglais en date du 20 août 1987 diffusé à l'ONU par la mission permanente de la RSV, précisant sont point de vue et ses intentions concernant sa politique de "cocktail party". Nous citons :

Un "cocktail party" dans le sens qui devrait être une rencontre informelle entre les deux côtés cambodgien. A une autre phase de ce "cocktail party" l'Indonésie pourrait inviter les pays conceernés à y participer, Vietnam compris. Clairement, c'est une conférence entre les deux côtés cambodgiens, entre Cambodgiens seulement exclusivement, pour discuter des affaires internes cambodgiennes. Le Vietnam et les autres pays concerné pourraient participer à la conférence, seulement à une phase ultérieure pour discuter de l'aspect international du problème cambodgien. Ceci est un processus qui forme un tout, ayant pour but de résoudre le problème cambodgien à la fois dans ses aspects intérieur et extérieur".

Remarquons en passant l'expression "les deux côtés cambodgiens"; la RSV veut d'emblée placer son régime installé à Phnom Penh qui n'existe que par sa volonté et qui n'a aucune audience nationale et internationale, sur pied d'égalité avec le GCKD qui a pour lui et pour lui seul la légitimité et la légalité, c'est-à-dire tout.

Le texte en lui-même est extrêmement clair. Le "cocktail party" est destiné à résoudre "les affaires internes cambodgiennes", autrement dit le problème cambodgien serait un problème de guerre civile bien que l'expression n'est pas utilisée. La RSV n'y serait pour rien. Il n'est pas fait mention non plus de la présence de son corps expéditionnaire de près de 200 000 hommes qui occupent le Cambodge.

Enfin dans ce texte, il n'est pas question du retrait de ses troupes même pas en 1990, pourtant proclamé haut et fort il y a si peu de temps. D'ailleurs a-t-elle déjà retiré les siennes du Laos, pays en principe complètement conquis et "pacifié" ? L'URSS et la RSV ont-elles déjà retiré leurs troupes ou même leurs "conseillers" d'un pays quelconque de leur plein gré ? Les troupes soviétiques ont quitté l'Autriche parce qu'il y avait un compromis avec les puissances occidentales sur le retrait réciproquede leurs troupes d'occupation. La R.S.V. ne s'était retirée deux fois du Cambodge en 1954 et en 1973 que parce que le rapport des forces au Cambodge, au Vietnam, dans la région et dans le monde l'y obligeait. Encore elle ne la faisait que partiellement. Et en réalité, la R.S.V. continuait à occuper une partie de notre territoire. Les conseillers soviétiques n'ont quitté la R.P. de Chine, de l'Egypte et de la Somalie que contraints et forcés. Un ancien ambassadeur cambodgien à Moscou disait : "Pour l'URSS, ce qui est à moi est moi, ce qui est à toi on va le partager". Hélène Carrère d'Encausse le disait sous une autre forme "l'URSS ne négocie qu'à partir du statu quo", seul un raport de force défavorable peut la faire changer.

Cela ne veut pas dire que le problème cambodgien doit se résoudre par la seule voie militaire. La solution se trouve dans une combinaison étroite et efficace entre d'une part la lutte sur le terrain qui est le moteur, et d'autre part les aides et les soutiens multiformes de la communauté internationale en particulier ceux de la Thailande et ses partenaires de l'ASEAN, de la R.P. de Chine, des USA, des pays du Monde Occidental et des pays en développement.

Maintenant avec un peu de recul, toute cette escrime médiatique, n'est-elle pas destinée à influencer les votes à l'ONU et nos compatriotes vivants à l'étranger ? L'URSS l'a déjà utilisée dans sa guerre d'agression contre le peuple afghan. La RSV ne fait que la réciter dans sa guerre d'agression contre notre pays.

La communauté internationale, en particulier la Thailande, la Chine et les USA, est bien informée sur la situation réelle au Cambodge tant sur le plan militaire que sur le plan politique. Le corps expéditionnaire nord-vietnamien au Cambodge, pas plus que celui de l'URSS en Afghanistan, n'est invincible. C'est aussi la conviction de la communauté internationale qui vient de la concrétiser par le récent vote à l'ONU demandant le retrait total des troupes de la RSV du Cambodge.

Parmi les coauteurs de la résolution, à ceux de l'année dernière, viennent s'ajouter trois nouveaux pays: Grenade, Gabon et Soudan, soit au total 63 pays. Ont voté pour la résolution 117 dont 3 nouveaux: Barbades, Cape Verde et Guinée-Bissau. Notons l'abstention de Madagascar mais aussi celle de l'Inde qui, pourtant, a reconnu le régime de Phnom Penh. Notons également que la Roumanie, membre du pacte de Varsovie, comme l'année dernière n'a pas pris part au vote.

Après cette défaite à l'ONU, en prévision de l'Assemblée Générale de l'ONU de l'année prochaine, que va encore formenter la RSV ? Que va devenir sa proclamation de retrait de ses troupes en 1990, à mesure que l'échéance approche ? Et son "cocktail party" ?

En tout les cas, il faut s'attendre à des campagnes de grandes envergures contre les forces du GCKD et à des opérations de répressions à grande échelle durant la prochaine saison sèche. L'ennemi ne fait jamais de cadeaux.

Pour nous Cambodgiens, comme pour toute la communauté internationale, à l'exception des pays inféodés à l'URSS, le problème cambodgien est le problème de l'agression nord-vietnamienne. Il ne peut être résolue que par la cessation de cette agression, c'est-à-dire par le retrait total de ces troupes d'agression du Cambodge.

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Nous avons pris connaissance des grandes lignes de la décision N° 17/SRMC du Bureau Politique du régime installé par les troupes de la RSV, mise en application le 18 juin 1987. Juin est chez nous le commencement de la saison des pluies. La camppagne militaire de la saion sèche est donc terminée et le corps expéditonnaire de la RSV n'est pas arrivé à "casser les reins aux armées du GCKD". Il est donc temps pour Hanoï de préparer politiquement et diplomatiquement l'Assemblée Générale de l'ONU. Le numéro de la décision en lui-même montre que celle-ci est rédigée en vietnamien. Car l'écriture vietnamienne est romanisée, la nôtre non. Le numéro ci-dessus est romanisé. Le Bureau Politique du régiment de Phnom Penh en permanence par des délégués du PCV. Tous les hauts responsables du régime de Phnom Penh doivent savoir le vietnamien.

Il ressort de ce texte que:

1/ La lutte du peuple cambodgien ne peut être vaincue par les armes seules. C'est-à-dire que la RSV est d'ores et déjà battue à terme dans sa guerre d'agression contre nous.

2/ Le régime de Phnom Penh manque de cadres compétents et capables. Cela veut dire que les intellectuels cambodgiens dans leur ensemble, même ceux formés en URSS, dans les pays de l'europe de l'Est et en RSV refusent leur coopération active. Il est à signaler à ce sujet que nos compatriotes s'inquiètent de plus en plus du nombre élevé d'étudiants et intellectuels cambodgiens donnés pour "morts" pendant leurs études ou leur stage dans ces mêmes pays.

3/ Dans ces circonstances, il importe pour Hanoï de compenser ces faiblesses par une offensive politique et diplomatique :

a/ Lancer une politique dite de "réconciliation nationale" par un appel au ralliment au régime fantoche dans le même esprit que celle prônée en vain par le régime de Kaboul en Afghanistan.

b/ Semer la division au sein du GCKD, au sein des pays de l'ASEAN, désorienter l'opinion internationale pour faire diminuer les voix qui soutiennent la lutte du peuple cambodgien à l'ONU : entraîner la faction la plus faible et la plus versatile du GCKD à entrer en négociation. "Dans la négociation, dit textuellement cette décision, nous devons discuter le prix, nous cèderons des positions que ce soit administratif ou politique, mais l'ennemi ne devra pas apporter son organisation structurelle et ses forces armées. Il faut donner des batons aux ennemis pour qu'ils se battent entre eux". L'organisation structurelle de l'Etat fantoche et son armée sont en effet les instruments de la domination de la RSV sur notre pays. Ils sont fondamentaux et nécessaires pour préserver la validité des traîtés léonins imposés par Hanoï pour vietnamiser le Cambodge. La résistance nationale n'a-t-elle pas objectif leur destruction ? C'est-à-dire la destruction de l'armée fantoche et le démantellement des structures administratives imposées par l'ennemi dans les villages, les sroks, les villes de provinces et dans la capitale Phnom Penh même.

c/ "En 1990, nous devrons bouger car l'ennemi ne veut plus parler" (c'est-à-dire négocier). Cela veut dire qu'avant cette date les manoeuvres de division contre nous sont encore possibles pour Hanoi. Après cette date la résistance de notre peuple sera trop forte.

d/ Espérer des changements de politique dans certains pays du monde occidental et de l'ASEAN, en particulier en Thaïlande. Autrement dit, Hanoï espère un nouveau Watergate ou quelque chose de ce genre dans ces pays.

Dans notre article paru dans le numéro 1 de "Perspectives", nous sommes arrivés à peu près aux mêmes conclusions. Nous avons vu également que la communauté internationale, en particulier la Thaïlande, la Chine et les USA, n'est pas dupe des maoeuvres de la RSV, de l'URSS et de certains de leurs amis comme en témoigne le nombre croissant des coauteurs de la résolution condamnant l'agression de la RSV et celui des voix qui soutiennent notre lettre à l'ONU.

En ce qui concerne plus particulièrement la Thaïlande, une haute personnalité du ministère des affaires étrangères vient de faire la déclaration suivante : "Même s'il y a des changements d'individus ou de gouvernement, la politique de la Thailande concernant le Cambodge ne changera pas. Phnom Penh se trompe, car la politique étrangère de la Thailande n'est pas basée sur des décisions individuelles, mais sur les intérêts de la sécurité de la nation dans son ensemble".

Maintenant, malgré les réserves fermes de nos compatriotes, et celles, formulés en termes diplomatiques, de nos soutiens les plus sûrs: la Thailande, la Chine et les USA, deux rencontres avec les marionnettes cambodgiennes de la RSV ont eu lieu. Nous en tirons plusieurs conséquences:

1) Les marionnettes sont des marionnettes, on ne peut pas les baptiser unilatéralement de "représentants de Hanoï" ou encore moins de l'URSS.

2) Quand on dialogue avec des marionnettes, on leur donne à leurs dépens, un certain prestige dont elles sont dépourvues. Ce n'est pas parce que ces marionnettes utilisent un langage flatteur téléguidé, qu'elles changent de nature. La Fontaine disait : "tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute".

3) Quand on dialogue avec des marionnettes, on finit par ajouter crédit à leurs mensonges téléguidés pour semer la désunion entre nous. Pour l'illustrer, nous reproduisons, sans commentaire, deux dépêches de l'AFP en date du 22 janvier 1988 :

"PARIS, 22 jan (AFP) - Hun Sen a l'intention de rencontrer le leader nationaliste Son Sann, a indiqué le prince Sihanouk vendredi dans une note écrite à la presse.
M. Son Sann, 77 ans, chef du Front National de Libération du Peuple Khmer (FNLPK), qui fait partie du Gouvernement de coalitionanti-vietnamien reconnu par l'ONU, a demandé à Hun Sen de le rencontrer "secrètement", indique le Prince en citant les propos tenus par Hun Sen, lors de leurs entretiens de mercredi et jeudi à Saint-Germain-en-Laye, dans la banlieue parisienne.
Le Prince rapporte que Hun Sen lui a demandé son avis et qu'il a répondu qu'il était "favorable" à une ou plusieurs rencontres Hun Sen-Son Sann".

"Hun Sen a conclu que dans ce cas, il fera connaître à son excellence Son Sann qu'il le verra" ajoute le prince.
M. Son Sann, qui est arrivé dimanche dernier à Paris, avait refusé de participer aux discussions de Saint-Germain-en-Laye en indiquant qu'il exigeait au préalable que le Vietnam envoie un représentant ou s'engage par une lettre envoyée au Secrétaire Général de l'ONU à retirer ses troupes du Cambodge.

PARIS, 22 jan (AFP) - Le chef du Front nationale de libération du peuple Khmer (FNLPK) M. Son Sann a estimé vendredi qu'en proposant la création d'un gouvernement provisoire bipartie au Cambodge, le prince Norodom Sihanouk "fait le jeu des Vietnamiens".
Dans une déclaration à l'AFP, M. Son Sann, qui est également Premier Ministre du Gouvernement de coalition anti-vietnamien, reconnu par l'ONU, a accusé le Vietnam de chercher "à diviser la coalition".
"Je pense pour ma part, a-t-il ajouté, qu'il faut maintenir l'unité de la coalition" (qui regroupe outre le FNLPK, également les Khmers Rouges alliés de Pékin et les Sihanoukistes).
Le leader nationaliste a d'autre part démentiavoir demandé à rencontrer "secrètement" le premier ministre du régime pro-vietnamien M. Hun Sen, comme le prince Sihanouk l'a raporté vendredi dans une note à la presse.
"Je ne suis pas demandeur. S'il (Hun Sen) veut me voir, il n'a qu'à demander aux Vietnamiens de venir avec lui" a précisé M. Son Sann, avant de "remercier" le Prince d'"avoir donné son accord à une telle rencontrre".

Il a réaffirmé qu'il exigeait la pésence d'un représentant vietnamien ou l'engagementpar écrit du Vietnam sur un retrait de ses troupes du Cambodge.

L'ennemi, ainsi, a déjà réussi à réaliser une partie de ses plans. Le représentant des marionnettes a maintenant accès aux médias occidentaux, gratuitement. Une certaine confusion règne au sein de la communauté cambodgienne, confusion dont seul profite l'ennemi. Il n'y a toujours pas de précision concernant le retrait des troupes de la RSV. Notre lutte s'en trouve donc affectée et prolongée pour le plus grand préjudice du peuple.

Il est réconfortant de noter à cet égard qu'une partie importante des Cambodgiens, en particulier la quasi totalité de ceux qui pensent, agissent et luttent, c'est-à-dire les plus courageux et les plus conscients, ne s'est pas laissé entraîner dans cet engrenage. Au contraire, elle se trouve confirmée et renforcée dans sa détermination et ses convictions. Pour la première fois, depuis 1970, des intellectuels séparés par la guerre fraticidede 1970-1975, séparation accentuée par la politique criminelle du parti communiste du Kampuchea (PCK) durant 1975-1978, se retrouvent dans la même tranchée pour combattre les manoeuvres des ennemis. Cette expérience les appelle à s'unir, non autour des personnalités ou des idéologies ésotériques, mais autour des principes et des idées vérifiés par l'histoire et par la lutte populaire. Une nation se construit principalement par le sang, les larmes et des fleurs pour les héros; elle ne vit que par le courage, la lucidité et la force d'âme de ses enfants. Les honneurs sont réservés seulement pour ceux qui se battent pour l'édifier et pour assurer sa pérennité.

Avant de terminer, nous désirons soumettre à la réflextion de nos compatriotes et amis deux enseignements de l'histoire.

1) Pour faire apliquer des accords éventuels à un ennemi aussi coriace et sournois que le PCV, il faut en avoir les moyens : une force armée respectable et respectée. Avons-nous déjà oublié le sort des accords de Paris signés solennellement par les USA et la RSV et garantis par les pays occidentaux ? Le PCV n'a-t-il pas profité du Watergate qui paralysait la puissante Amérique pour s'emparer du Sud-Vietnam ? Au Liban, les forces internationales, mêmes françaises et américaines, n'ont-elles pas montré leur inefficacité ?

Pour revenir à notre pays, en plus du maintien de l'ordre à l'intérieur, qui empêchera la population vietnamienne lasse du régime totalitaire imposé par le PCV, de franchir en masse nos frontières et de s'installer sur nos terres ? Certains n'y verront-ils pas une solution commode aux problèmes posés par les boatpeoples ? Cela sans compter sur la complicité du PCV qui ne manquera pas de faire émigrer également ses cadres et membres. Enfin comment imposer le respect de nos frontières selon notre définition et non selon celle de l'ennemi ? Sur ce point un compromis équitable n'est possible que si le rapport des forces le permet.

Les intérêts fondamentaux de notre nation exigent donc l'existence d'une forte armée nationale cambodgienne respectable et respectée. Toute solution qui ne comporte pas une telle garantie nationale, entraîne logiquement et inexorablement la disparition à terme de notre patrie.

2) Les discussions actuelles nous rappellent ce qui se passait chez nous, il y a environ un siècle et demi.

En 1834, un important corps expéditionnaire de l'empereur du Vietnam dont la capitale se trouvait à Huê, occupait notre pays. A la mort du roi du Cambodge, Ang Chan II, Huê mit sur le trône une jeune princesse Ang Mey, un peu timorée qui mourra folle vers 1878, et procéda à une vietnamisation à outrance. Tout était vietnamisé : l'administration, la langue, la culture, les vêtements, les noms des personnes, les noms géographiques etc. En cas de résistance, la répression était féroce.

Mais dès 1835 la révolte gronda. La population s'organisa et se battit en basant sur l'entente entre les deux princes frères Ang Em et Ang Duong. En 1840, le général Tuong Kun, représentant de Huê, comprit qu'il ne pouvait plus vaincre le peuple cambodgien. Il résolut alors de jeter la discorde entre les deux princes.

Il fit porter à Ang Em l'aîné, par un de ses hommes déguisé en Cambodgien sous le nom de Pakhva, une lettre disant qu'il n'était venu au Cambodge que pour pacifier le royaume, qu'il n'avait intronisé Ang Mey que provisoirement en attendant qu'un prince fût en état de régner et qu'il était disposé à le couronner, mais qu'il y avait un compétiteur en la personne de son cadet Ang Duong qui déjà conspirait.

Ang Em mordit à l'appât, se rendit à Phnom Penh avec sa famille et sa petite cour. Il y fut d'abord très bien reçu par Tuong Kun, et la population, qui pensant trouver la délivrance en lui, l'acclama. Mais la nuit venue, Tuong Kun le fit emfermer dans une cage de fer et le fit transporter à Huê.

Croyant le peuple cambodgien maté, Tuong Kun fit régner un régime encore plus sanguinaire. C'est de cette époque que date le fameux "kampup tê ong".

Mais le peuple se souleva en masse sous le commandement de chefs dont nous ignorons encore les noms. Une forte unité de l'armée d'occupation fut battue aux environs de Lovêk, son général tué. Un autre général fut fait prisionnier et les fuyards furent attaqués par les paysans et massacrés dans tout le pays.

"Alors, dans le royaume, ce fut un cri de joie, le courage revint aux plus lâches; on reprit les armes et partout où il y avait un détachement annamite, le peuple soulevé par des chefs improvisés, l'attaqua". Si bien que les 50 forteresses ennemies furent détruitent et le Cambodge libéré par son peuple.

Rappelons que l'armée de Huê était entraînée à l'européenne depuis l'avènement de de Gia Long, qu'elle savait construire des forts à la Vauban et utiliser des armes à feu de tout calibre. Le peuple khmer utilisait principalement des armes blanches.

Quand Ang Duong fut couronné roi du Cambodge, il n'y avait plus un seul soldat étranger sur notre sol. Il restait seulement environ 1 000 ressortissants vietnamiens. C'était en 1846. Ang Duong avait comme précepteur Vonsa Sarpec Nong. Nong, celui-là même qui a rédigé entre les années 1813 et 1818 le texte le plus ancien de notre histoire nationale, les stèles graphiques de l'époque angkoriennes exceptés.

SETHIK
(1987)

Lettre ouverte de Chau Sân

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LETTRE OUVERTE DE CHAU SÂN

"Cher SETHIK,

"Quand je pris connaissance de ton article, j'étais comme dans un rêve. Depuis sept mois j'étais un "voyageur solitaire qui traversais une forêt marécageuse peuplée de crocodiles et de dragons. La terre "ferme étant très rare les crocodiles me guettaient à chaque tournant et des fois quand j'étais vraiment fatigué je finissais même par me dire que je terminerai certainement ce voyage dans le ventre "de l'un de ces reptiles. Les uns portaient des chapeaux coniques et d'autres étaient vêtus de noir. "On m'avait bien promis qu'il y avait deux dragons qui me protégeraient et me guideraient jusqu'à ma "destination. Mais au lieu de cracher leur flamme contre les affreux crocodiles, les deux dragons se "contentaient de leur faire du charme. Un dragon peut-il être amoureux d'un crocodile ? Cela dépasse ma pensée. Parfois même ces dragons dirigeaient ses flammes contre moi, mais là c'était de ma faute : souvent je tirais la queue pour rappeler qu'ils étaient là pour terrasser les crocodiles et non pas pour leur faire du charme.

"Puis soudain voilà un autre voyageur. Est-il aussi solitaire ? Prend-il la même direction ? Peu importe! Devant des dangers aussi mortels, toutes ces questions deviennent secondaires et je décide donc de faire un bout de chemin avec ce voyageur. Ce voyageur, c'est toi. C'est ton droit de me refuser comme compagnon de voyage mais j'espère au moins que tu acceptes d'échanger quelques mots.

"A présent, j'ai deux certitudes: Nous avons pris le même itinéraire et nous nous dirigeons vers la même destination. Une seule question se pose, allons nous emprunter le même chemin? Avant de continuer nos routes, prenons le temps de discuter un peu.

"Abandonnons les rêves pour revenir à la réalité qui nous préoccupe. Pour mettre les points sur les i, je voudrais te dire que je partage entièrement tes analyses sur la situation de notre pays à quelques détails près (sur lesquels je veux revenir). D'autre part, il n'est pas possible d'avoir les mêmes analyses si on n'a pas les yeux fixés sur les mêmes objectifs.

"Chacune des phrases de ton article exprime une idée et chacune de ces idées a une telle importance et une telle intensité qu'il ne sera pas facile d'en extraire une partie pour alimenter nos discussions.

"Comme je ne peux pas citer les dix pages, je vais faire une tentative dans cet exercice délicat et hasardeux. Je vais citer quelques unes de tes phrases qui me paraissent une vérité criante :

"- Nul pourtant n'ignore que pour lutter contre le Parti Communiste vietnamien (PCV), ce qui importe le plus c'est de ne pas perdre de vue ne serait-ce qu'une seconde son objectif stratégique et de savoir déchiffrer à temps ses manoeuvres tactiques.

"- Tant il est vrai - vérité de la Palice - qu'on ne peut obtenir à la table de conférence plus que ne le permet le rapport des forces sur les champs de bataille.

"- Les Etats-Unis d'Amérique ont payé cher leur erreur, d'une débacle militaire et diplomatique sans précédent dans leur histoire. Le Cambodge, s'il oubliait cette leçon se verrait sanctionné par sa disparition pure et simple de la carte du monde, comme l'est déjà notre Kampuchéa Krom.

"- D'autre part négocier sous les conditions ennemies ne serait-il pas déjà une capitulation ? Ces prétendues négociations sans condition ne sont-elles pas en fait des négociations aux conditions vietnamiennes ?

"- Nous craignons fort que la seule voie possible pour recouvrer l'indépendance et la souveraineté de notre nation ne soit de continuer la lutte sous toutes les formes, plus particulièrement la lutte armée.

"- C'est pourquoi ne serait-il pas plus prudent de nous méfier des personnes bien intentionnées qui prétendent n'avoir aucun intérêt dans l'affaire, qui nous donnent des conseils ou des garanties et qui nous proposent des solutions qui démentent toutes les leçons de l'histoire. Les conseils sont gratuits, mais les conséquences, ce sont ceux qui ajoutent crédit qui les subissent.

"- Mais dure réalité, et c'est là le drame de notre combat, les forces du PCK continuent à être le fer de lance de la lutte armée contre les envahisseurs vietnamiens.

"- Car s'il s'agit d'un tribunal pour juger les crimes contre le peuple cambodgien, il faudrait juger d'abord les crimes actuels, c'est-à-dire ceux monstrueux que les envahisseurs vietnamiens continuent à perpétrer sur notre sol.

"- La réalité de notre lutte est ainsi faite. Si nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans le dilème et ainsi condamnés à l'inaction il faut toujours lutter plus implacablement contre l'ennemi, le Parti Communiste Vietnamien, jusqu'à la libération totale de notre patrie. Affiler nos armes de combat n'exclut pas des négociations sur des principes de base bien établis en plein accord avec nos partenaires et nos alliés. Dans les relations internationales, les liens les plus solides sont ceux dictés par la convergence des intérêts.

"- Nous aurons à faire comprendre au PCK, par le jeu des rapports de force au sein de notre peuple, que si le pouvoir est au bout du fusil, le fusil seul ne peut le préserver et que, comme écrivait sous une autre forme Raymond Aron, si sans pouvoir militaire on ne peut rien, avec le seul pouvoir militaire on ne peut pas tout faire.

"- C'est dans ce contexte que se situe l'opération de charme par personnes interposées, la tactique de négociations prétendues sans condition entre parties cambodgiennes au sommet : entre le gouvernement de coalition du Kampuchéa Démocratique seul détenteur incontesté de la légitimité et de la légalité et un régime qui ne représente rien...

"- La guerre est une confrontation de deux volontés, celle du PCV est de fer. Si nous voulons la libération de notre patrie, il faut que nous nous armions d'une volonté de fer. Le chemin de notre lutte est encore âpre, dur et malaisé, mais le temps travaille pour nous et contre l'ennemi. La vietnamisation du Cambodge ne sera pas inéluctable, car notre peuple se bat avec acharnement sur le terrain et la situation dans le monde évolue en notre faveur.

"_ "C'est le fait d'un grand peuple que de savoir s'unir dans le malheur" a dit le Général de Gaulle, ce chef prestigieux de la France contemporaine. Puisse, pour la survie de notre nation, cette vérité être aussi la nôtre.

"Voilà, c'est long, et je n'ai pas la prétention d'avoir extrait tous les passages importants et j'espère que tu ne vas pas me réclamer le droit d'auteur.

"J'ai laissé entendre qu'il y a quelques détails sur lesquels je ne partage pas tes analyses. En réalité, il ne s'agit pas du tout d'un désaccord. Je voudrais tout simplement coupler tes idées pour souligner des points qui sont à mon avis vitaux pour notre peuple.

"D'abord à propos des Khmers Rouges que tu appelles pudiquement. Tu écrivais: "... la seule voie possible ... "est de continuer la lutte sous toutes ses formes, plus particulièrement la lutte armée". Puis tu ajoutais: "...le PCK ...parle déjà avec arrrogance comme seul maître du pays".

"La lutte armée contre les envahisseurs est donc ton option prioritaire. Une vraie armée nationale, encadrée par un mouvement nationaliste et démocratique est doublement indispensable. Malgré toute leur arrogance, les Khmers Rouges, sans soutien populaire, ne pouront pas emporter de victoire militaire dans un avenir prévisible. A long terme, cette victoire est envisageable voir certaine, il faudra une ou plusieurs relèves de générations.

"Ayant universalisé l'expression "PERDRE LA FACE" et étant une puissance mondiale, la Chine n'abandonnera jamais les Khmers Rouges sans avoir la certitude que la situation en Extrême-Orient évolue en sa faveur. Tu as rappelé la parole de Chou En Lai: "Dans les relations internationales, il n'y a que les intérêts d'Etat", A ma connaissance, cette parole est dans la bouche de tous les hommes d'Etat et notamment celle du Général de Gaulle. Même quand ils se mettent à "faire du social" ou à avoir de la compassion pour un peuple, c'est toujours dans l'intérêt de l'Etat, le leur et ce n'est que légitime.

"Un homme d'Etat ne peut en aucun cas avoir de la reconnaissance éternelle pour un autre Etat que le sien.

"Mais alors pour raccourcir le délai, celui de la victoire qui nous assure le départ des Vietnamiens, faut-il taire les monstruosités des Khmers Rouges et aider à effacer nos mémoires. C'est ce que veulent certains de nos compatriotes qui, au nom d'un concept mal dirigé, comme la solidarité nationale, nous demandent d'oublier nos morts donc de nous rendre complices de ce que tu appelles les fautes criminelles du PCK François Léotard disait: oublier les crimes du nazisme c'est nous rendre complices.

"Le retour des Khmers Rouges signifirait l'instauration d'une ère obscurantiste qui ne profitera qu'à l'ennemi. Donc si les Khmers Rouges reviennent, la disparition pure et simple du Cambodge de la "carte du monde" ne fait que se reporter à une date ultérieure.

"On n'arrivera jamais à faire comprendre au PCK quoi que ce soit si on n'est pas suffisamment défendu par les armes. Les Khmers Rouges ne changeront jamais de nature. Le Prince Sihanouk qui collaborait avec eux de 1970 à 1975 avait payé le prix fort, 4 ans de résidence surveillée et deux millions de morts, pour avoir négligé, oublié cette simple vérité. Il ne faut pas oublier que les Khmers Rouges et les Vietnamiens sont tous les deux de la même école, celle dirigée par ce grand maître barbu.

"Il est vain et inutile de demander aux Khmers Rouges de reconnaître les erreurs dans l'intérêt national. Des dirigeants qui savent où se trouvent l'intérêt national n'exterminent pas deux millions de leurs concitoyens por faire plaisir à un visionnaire farfelu.

"Pour nous, nationalistes, à l'égard des Khmers Rouges il n'y a qu'une seule attitude réaliste et cohérente : les laisser combattre les Vietnamiens (ils n'ont pas besoin de notre autorisation pour cela) et ne rien faire qui puisse les affaiblir militairement. Ils ne sont soutenus que par les Chinois et ces derniers, pour des raisons stratégiques ne les lâcheront jamais quoique nous puissions dire sur les comptes de leurs protégés. S'il y une faible chance de faire changer d'avis les Chinois, c'est de leur montrer que nous sommes capables d'assurer nous-mêmes l'avenir de notre pays. Mais cette chance a été gachée par les mouvements nationalistes, par leur incapacité. L'organisation militaire d'une armée communiste ne laisse aucune place aux informations portant atteinte au moral de ses troupes. En 1979, beaucoup de combattants de Pol Pot ignoraient les massacres perpétrés par leurs camarades depuis quatre années.

"Si les dirigeants de l'Angkar ne cédaient pas une seul pouce sur le terrain politique, si leurs ex serviteurs nous demandent de faire une parenthèse sur les deux millions de morts, c'est que les Khmers Rouges comptent bien revenir en force et ne compte pas partager le pouvoir avec un autre parti.

"Si les nationalistes ne renforcent pas conjointement la lutte armée contre les Vietnamiens et la lutte politique contre les Khmers Rouges, il ne sera pas possible de mobiliser le peuple cambodgien, de le cristalliser centre les ennemis, de le transcender. Dans ce cas là le chemin de la victoire et de la liberté restera définitivement fermé.

"Le rapport des forces sur le terrain, du côté de la résistance, est tellement en faveur des Khmers Rouges que les escapades du Prince Sihanouk depuis ce printemps ne remettront pas en cause fondamentalement les positions de chaque parti. Les bénéficaires de toutes ces initiatives seront les Vietnamiens et les Khmers Rouges et chronologiquement dans cet ordre c'est-à-dire que les premiers fruits seront pour les Vietnamiens mais le reste de la cueillette sera pour Pol Pot et sa bande.

"Avant d'aborder le deuxième point qui constitue le noeud de tous nos problèmes, je voudrais te poser une question, indiscrète: Quelle est ta recette pour écrire dix pages sur le Cambodge sans citer une seule fois les noms du Prince Norodom Sihanouk et de Monsieur Son Sann?

"A la dernière page de ton article on peut lire: ... le GCKD seul détenteur incontesté de la légitimité et de la légalité..., et au début: La légitimité d'un pouvoir puise ses racines dans l'adhésion de la volonté populaire.

"Ce serait une escroquerie de prétendre que le GCKD avait connu durant ces cinq années de son existence une période où il y avait une adhésion de la volonté populaire. Depuis bientôt deux ans des contestations sérieuses surgissaient de partout. On peut distinguer deux sortes de contestation. La politique pernicieuse des deux leaders nationalistes qui conduit à une impasse totale, à une situation bloquée. Et ce blocage qui fait ressurgir une deuxième mais ancienne contestation: l'alliance contre nature avec les Khmers Rouges. Je vais certainement soulever une polémique, mais à mon avis il est inexact de prétendre que le GCKD est en 1987 légitime. Par contre, on peut lui laisser le qualificatif légal et cette égalité puise ses racines de l'extérieur et particulièrement de l'ONU.

"Je comprends parfaitement pourquoi tu avais écrit cette phrase et je partage entièrement tes soucis. En effet, tu as montré de façon magistrale ce que les dirigeants de Hanoï sont en train de rechercher en ce moment: une parcelle de légitimité pour les fantoches de Phnom Penh et transformer une guerre d'agression en une guerre civile.

"Malheureusement pour nous les nationalistes, il y a deux personnes très haut placées qui sont prêtes à leur apporter ce cadeau sur un plateau. Que pouvons nous faire pour empêcher un acte aussi lourd de conséquences de se développer jusqu'à son terme? Je saisis l'occasion pour soulever la question sur la coalition ignominieuse avec les Khmers Rouges (ce sont là les termes du Prince Sihanouk). J'ignore si tu as déjà lu tous mes articles mensuels depuis le mois de mars. Dans le n°4 de CAMBODGE AN 8 du mois de juin, j'avais donné deux arguments favorables pour la constitution de ce gouvernement de coalition:

"- Eviter les combats sur le terrain entre compatriotes pendant l'occupation,

"- Occuper la tribune de l'ONU pour canaliser toutes les sympathies et les soutiens internationaux (cette tribune était occupée par les Khmers Rouges.).
"Puis j'avais ajouté : Pour remporter la victoire dans une guerre de libération il faut accorder la priorité à son propre peuple.

"Tu parlais de dilemme à propos de la présence des Khmers Rouges.

"Avant juin 1982, l'idée d'un gouvernement de coalition avec ces affreux Khmers Rouges n'était pas totalement mauvais (autrement elle n'aurait pas abouti) mais à condition de la considérer comme étant une étape et non pas comme une finalité. A mon avis c'est là encore une faute grave des deux leaders nationalistes et peut-être aussi une erreur d'appréciation d'une grande partie de l'opinion politique cambodgienne.

"Pouvait-on imaginer un seul instant qu'après la formation de ce gouvernement ignominieux les deux dirigeants nationalistes allaient négocier complètement le côté militaire de la résistance pour ne s'occuper que de la diplomatie et de la politique.

"De la part de Monsieur Son Sann cela n'était pas surprenant. Mais de la part du Prince cela dépassait l'imagination la plus fertile. N'avait-il pas déjà commis la même faute avec les Khmers Rouges de 1970 à 1975 ?

"Toujours est-il qu'àleur place j'aurais mis tous les efforts sur l'organisation de la lutte armée pour pouvoir finalement chasser les Khmers Rouges de ce gouvernement en préservant tous les acquis pour lui conserver sa légalité, à défaut de sa légitimité. Avec les Khmers Rouges il est impossible de mobiliser notre peuple et sans la mobilisation populaire il est impossible de chasser les Vietnamiens. Ces faits sont plus têtus que les hommes comme le Prince Sihanouk ou monsieur Son Sann.

"Mais voilà je n'étais pas à leur place et on ne peut pas bâtir une politique avec le conditionnel ni faire marche arrière à l'Histoire.

"Cependant cette supposition nous permet de mieux mesurer la gravité des fautes de ces deux personnalités.

"Maintenant nous sommes totalement dans l'impasse et pour sortir de cette impasse les deux leaders vont commettre la dernière faute grave de leur carrrière. Le Prince Sihanouk va rencontrer le fantoche Hun Sen. Mais en utilisant ton expression il ne réussira qu'à apporter une parcelle de légitimité à ce gouvernement fantoche. Aucun problème ne sera résolu et je me répète : seuls les Vietnamiens puis les Khmers Rouges vont tirer les marrons du feu allumé par un Prince à court d'imagination. On pourra toujours envoyer Chau San et sa plume au peleton d'exécution, cela ne changera rien.

"Cette remontade du Prince ne sera plus dans peu de temps qu'une triste et regrettable péripétie de notre très longue histoire, celle d'un peuple capable de bâtir le temple d'Angkor.

"Posons-nous à présent cette question capitale : Que devons nous faire ?

"D'abord ce que nous devons faire : Attendre un miracle ou un homme providentiel. Je reconnais que le ton de mon article est virulent, très virulent. A toi, cher Séthik, je peux te faire un aveu. Je suis un homme révolté. Je ne suis pas révolté contre les deux dirigeants nationalistes, car il y a longtemps que je n'attends plus rien de leur part, mais contre nos compatriotes. Ils me donnent l'impression d'être en train de regarder mourir le Cambodge en face.

"Contester deux leaders qui conduisent résolument la résistance dans l'impasse, leur demander de céder la place même en temps de guerre, n'est pas collaborer avec l'ennemi. Pour procéder dans l'ordre il faudrait d'abord comme point de départ nous RASSEMBLER sur une base précise dans un même mouvement armés d'une volonté d'acier, pour vaincre la volonté de fer de Hanoï. Ton article peut valablement constituer comme support de cette base. Partout, dans tous les coins du monde, les voix s'élèvent, mais encore très timidement, pour pousser dans ce sens.

DONNONS NOUS LA MAIN !!!

"Voilà, cher Séthik, ce que je voudrais te dire ce mois ci et j'aurais certainement beaucoup de plaisir à lire ta réponse.

Avec toutes mes considérations.

Chau Sân

Paris, le 31 Octobre 1987

Réponses aux questions de Chau Sân I

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RÉPONSE À CHAU SÂN I

Cher Chau Sân,

Jusqu'à présent, nos compatriotes vivaient dans une forêt dominée par des monologues, où chacun se considère comme seul détenteur de la "Vérité", n'admet la moindre opinion contraire et déclare qu'il a toujours eu raison dans le passé et est infaillible pour le présent et le futur. Pourtant notre pays et son peuple doivent faire face actuellement à une situation extrêmement périlleuse dont personne ne se déclare responsable.

Voilà que, comme Diogène, avec ton mensuel "Cambodge an 8" comme lanterne, tu cherches "un homme" avec qui dialoguer. Après plusieurs tentatives infructueuses, ayant lu notre article dans le numéro 1 de "Perspectives", le trouvant intéressant, tu nous invites à une sorte de "tés krê pi" si prisé par notre peuple. Traditionnellement, il consiste en un débat oral et public entre deux bonzes où chacun à son tour pose des questions relatives à la religion bouddhiste et chacun à son tour y répond. Notre débat, lui, a pour thème fondamental la lutte de notre peuple contre la guerre d'agression imposée par la République Socialiste du Vietnam (RSV) puissamment aidée par l'URSS.

Nous utilisons la forme écrite; elle permet à la pensée de s'exprimer et de communiquer dans toute sa profondeur et toute sa puissance. Les paroles s'envolent, les écrits restent. On peut les consulter à loisir, suivre les raisonnements de l'auteur, déceler leurs points forts comme leurs points faibles, leurs failles et leurs contradictions.

Ainsi, nous avons lu avec intérêt ton "Cambodge an 8" : dès son premier numéro, tu exprimes avec sincérité et fougue cette sorte de d'angoisse qui paralyse nos compatriotes à l'étranger et les confine à l'inaction face à l'agression nord-vietnamienne. Actuellement, paraissent de nombreuses revues culturelles et politiques cambodgiennes. Cette floraison n'est qu'à ses débuts. Elle est le début de la renaissance de la pensée cambodgienne, indispensable à la lutte actuelle et à l'avenir de notre nation. Nous souhaitons que notre dialogue aboutira à un large débat positif et fructueux.

Avant de répondre à tes questions, nous désirons tout d'abord expliciter tes positions que nous jugeons fondamentales et auxquelles nous souscrivons entièrement. Nous leur apportons ensuite des précisions pour clarifier notre pensée. Puis nous aborderons certains sujets qui sont indispensables pour servir de cadre dans lequel se situeront nos réponses à tes questions. Nous essayons de condenser au maximum. Chaque sujet sera traité plus amplement ultérieurement.

Les points d'accord :

I. A l'agression et à l'occupation de notre pays, tu as répondu par une déclaration de guerre sans équivoque à l'ennemi principal qui est Hanoï en intitulant ton mensuel "Cambodge an 8". Car la guerre imposée à notre peuple dure depuis 8 ans au moment de la parution de ton premier numéro. C'est ce qui explique tes prises de position fermes et nettes concernant les rencontres avec les représentants du régime fantoche installé par Hanoï à Phnom Penh.

II. Tu as précisé la forme de la guerre que nous menons en donnant une citation de Churchill en deuxième page: une guerre populaire.

III. Comme première conséquence logique à ces deux prémisses, tu cherches à t'engager militairement. Mais aucune des formations existant ne te convient et nous te comprenons. Alors, logique avec toi-même, tu cherches à mobiliser nos compatriotes contre l'ennemi en publiant ton mensuel et en cherchant le dialogue en premier lieu avec ceux qui pensent et qui se sentent responsables à divers degrés de l'avenir de notre pays.

Avant d'aller plus loin, nous désirons apporter quelques précisions supplémentaires que nous jugeons importantes. Nous estimons que pour bâtir quelque chose de solide et de durable, il faut définir et cerner avec le maximum de précision chaque mot, chaque expression, chaque concept. Cette précision est la condition première pour une formulation cohérente de la pensée, prélude indispensable à tout acte efficace et responsable.

1. L'ennemi est bien ciblé: les responsables du Parti Communiste Vietnamien (PCV), actuellement maître de la RSV. Il est important de ne pas les sous-estimer ni les sur-estimer. Il est actuellement l'un des plus coriaces et des plus sournois. Voici comment Olivier TODD le décrit dans la préface de son dernier livre "Cruel d'Avril". "Pour autant, je n'ai pas réduit les nord-Vietnamiens à un rôle et à la taille de marionnettes déshumanisées, il faut rendre à César ce qui appartient aux hommes de Hanoï: une volonté démesurée, mégalomaniaque, une espèce d'héroïsme aussi implacable qu'incontestable, en même temps qu'une fabuleuse ignorance du monde au-delà de leurs frontières."

"La direction collective à Hanoï fonctionne comme un monstre froid jusqu'au-boutiste, "l'intelligence de l'Etat personnifiée", selon la formule de Clausewitz, maîtrisant les trois fronts symboliques de la guerre, la diplomatie, la politique et le militaire."

2. Rappelons aussi ses objectifs stratégiques : faire de notre pays une province nord-vietnamienne. Non seulement le Cambodge sera à effacer de la carte du monde, mais rien ne devra subsister : les noms des personnes et de géographie, la culture, l'histoire, les noms de nos sites historiques seront vietnamisés. En résumé, l'ennemi vise à exterminer notre héritage culturel et notre nation, ce que dans le langage scientifique on appelle ethnocide. C'est donc à tort que certains utilisent l'expression "guerre d'extermination raciale" pour déterminer la guerre d'agression nord-vietnamienne. Comment peut-on en effet définir sans ambiguïté la "race cambodgienne", la "race khmère", la "race vietnamienne", la "race môn khmère". Certains fantoches utilisés par Hanoï, ne sont-ils pas bronzés à souhait pour représenter la "race môn khmère"? Ceux de nos compatriotes venant du Sud-Vietnam sont-ils assurés de ne pas avoir d'ascendants vietnamiens? Sait-on que les Nord-Vietnamiens eux-mêmes revendiquent leur appartenance à la grande famille môn-khmère d'après la structure de leur langue ?

Ainsi, parler de la guerre d'extermination raciale n'est pas conforme à la réalité. Cela ne peut que créer la confusion chez nos compatriotes et nos amis étrangers, confusion dont profite l'ennemi.

Par contre, il est très important de souligner que l'ennemi engage contre notre peuple et notre nation une guerre totale dans tous son sens et son expression. Tous les Cambodgiens, où qu'ils se trouvent qu'ils le veuillent ou non, sont concernés, ils sont les cibles de l'ennemi : cibles militaires, cibles diplomatiques, cibles politiques, cibles de la guerre des médias c'est à dire de la désinformation.

3. L'ennemi engage contre nous une guerre de conquête, il est donc obligé d'utiliser principalement son armée régulière et il a besoin d'une décision rapide. Nous, de notre côté, nous avons à défendre notre nation, notre héritage culturel, notre indépendance et notre souveraineté. D'après Clausewitz, une guerre défensive peut être "la forme de guerre la plus forte" dans la mesure où nous pouvons exploiter nos avantages naturels que sont: le terrain, l'espace et le temps, par la mobilisation politique du peuple. Ainsi pour qu'une guerre de défense l'emporte, il faut qu'elle soit populaire et prolongée. Mao Tsé Tung complétait "pour que la guerre du peuple soit invincible, il la faut populaire et prolongée, donc nationale et révolutionnaire".

D'ailleurs dans ta lettre ouverte, tu dis que tu es un révolté et que tu veux partager ce que tu as dans le coeur. Un groupe de révoltés bien organisés peut déclencher une révolte. Des révoltes bien coordonnées et généralisées deviennent une révolution qui balaiera toutes les troupes ennemies de notre pays. Nos arrières-grand-pères l'ont déjà fait au milieu des années 1840, peu de temps avant la période coloniale. Le mot révolution ne doit pas nous faire peur, car toutes les guerres populaires sont nécessairement révolutionnaires. Churchill a bien défini la nature de la Seconde Guerre Mondiale : une guerre des peuples, elle est donc révolutionnaire. Elle apporte la libération de tous les pays colonisés, à l'exception de ceux conquis par les tsars de Russie, qui sont englobés actuellement dans l'URSS, auxquels viennent s'ajouter les pays de l'Europe de l'Est après la défaite hitlérienne. L'URSS et les pays d'Europe de l'Est représentent le seul empire colonial existant en cette fin du XXè siècle.

C'est parce que la guerre actuelle est nationale et révolutionnaire que le peuple cambodgien se bat non seulement pour se libérer du joug de Hanoï pour l'indépendance nationale et la souveraineté dans son intégrité territoriale, mais aussi pour l'instauration d'un régime qui respecte ses libertés et ss droits fondamentaux ainsi que les intérêts légitimes de toutes les couches et classes sociales de la nation, contre tout régime de type féodal ou dictatorial ou autocratique.

4. Il importe que cette guerre populaire soit aussi totale et permanente au sens plutôt matériel de Clausewitz et surtout au sens plutôt moral et intellectuel de Sun Tzu, car nous sommes un petit pays.

L'ennemi et nos objectifs stratégiques étant ainsi bien définis, tous nos compatriotes, où qu'ils se trouvent, peuvent concentrer leur tir. Nous entendons par compatriotes, tous ceux qui ont reçu directement ou indirectement une culture cambodgienne et qui veulent l'indépendance et la souveraineté du Cambodge. Nous pouvons utiliser toutes les armes et toutes les formes de combat : armes blanches, légères, lourdes, diplomatiques, politiques, médiatiques, on peut tirer sur l'ennemi en snipers, en groupes en formations organisées politiquement ou/et militairement.

Dans cette guerre populaire de longue durée, nous avons besoin aussi bien des tireurs d'élite à la Robin des Bois ou à la Guillaume Tell, que de personnes qui n'ont jamais tenu une arme ou qui n'ont jamais combattu.

Actuellement la situation sur le terrain est la suivante :

L'ennemi a engagé contre nous une guerre de conquête. Il est donc obligé d'utiliser massivement son armée régulière pour obtenir une décision rapide. Maintenant, après plus de 9 ans de combat, le peuple cambodgien lui impose une guerre populaire et révolutionnaire de longue durée. L'ennemi a stratégiquement perdu l'initiative sur la forme de la guerre qu'il voulait nous imposer. Les expériences historiques montrent que qui perd cette initiative perd la guerre.

D'autre part, dans le monde, touts les peuples, tous les gouvernements, toutes les organisations qui luttent d'une façon ou d'une autre contre la politique de domination mondiale de l'URSS dont la politique de domination régionale de la RSV est un des piliés sont nos alliés effectifs ou potentiels. Les Vietnamiens qui luttent contre le régime de Hanoï sont aussi dans ce cas. En ce qui concerne le corps expéditionnaire envoyé par Hanoï, nous luttons à mort contre les soldats vietnamiens qui obéissent aux ordres, mais nous favorisons les désertions et les mutineries.

Nos compatriotes à l'étranger vivent actuellement dans les pays du monde occidental, stratégiquement menacés par l'URSS. Les intérêts de ces pays concordent avec les objectifs de notre lutte. Nous avons donc le soutien d'une partie importante de leur peuple et de leur gouvernement.

Mais la détermination, le courage et la persévérance dans la lutte dépend que de nous. On ne soutient que ceux qui sont déterminés à lutter. Une fraction de plus en plus importante de nos compatriotes, en particulier parmi les jeunes se rendent compte de cette vérité.

5. Pour faire une guerre totale, il faut une mobilisation totale : matérielle, humaine et surout cérébrale. Des trois, la dernière est la plus difficile, et elle est décisive. il faut non seulement que le maximum de nos compatriotes utilisent leur cerveau dans la lutte, mais surtout qu'ils utilisent bien, c'est-à-dire dans les meilleures conditions qui sont de deux ordres :

a) D'ordre mental : il faut avoir la détermination, le courage, la persévérance dans la lutte, avoir la volonté de se battre jusqu'à la victoire quelles qu'en soient les circonstances, les difficultés, la durée et le prix. Cette disposition mentale conditionne l'objectivité de nos réflexions et l'efficacité de nos décisions et de nos activités. A la limite, tout le monde connaît la paralysie intellectuelle qui s'empare des personnes gagnées par la peur ou l'angoisse. On ne peut se battre que si on n'a pas peur. Ceux qui n'ont pas peur de la mort vaincront. Ceux qui ont peur de mourir seront battus (Sun Tzu).

b) D'ordre intellectuel : notre cerveau étant maintenant dans les bonnes conditions pour fonctionner, il lui faut apporter des aliments de base : nous pénétrer

de notre véritable histoire ancienne, contemporaine, récente et des événements actuels;

des caractéristiques fondamentales de l'histoire mondiale et surtout celles de l'époque actuelle avec une remise à jour constante du rapport global et partiel des forces.

Ces données ne sont pas facile a obtenir, mais parmi nos compatriotes et leurs amis étrangers il y a des spécialistes qui peuvent nous les fournir. Nous pouvons aussi les acquérir en lisant des livres ou en suivant des séminaires les concernant. Elles seront affinées par des discussions et surtout en les confrontant à la réalité de la lutte. En un mot, nous informer des expériences historiques nationales et internationales, méditer, lutter activement est fondamental pour saisir à temps la trame qui sous-tend tous les événements dans notre pays et dans le monde, et par la suite pour prévenir et combattre la guerre diplomatique, politique et médiatique de l'ennemi, dont l'objectif est d'émousser puis de briser notre volonté de lutte. Bien informés et bien expérimentés, nous serons alors en mesure à notre tour d'organiser dans des bonnes conditions et avec les moyens appropriés la riposte populaire et médiatique.

En résumé, et nous insistons, ce qui est sous-utilisé dans la lutte actuelle, c'est notre impalpable intelligence qui est pourtant l'arme décisive. Sonnons donc la mobilisation générale et totale de toutes les intelligences cambodgiennes, les intelligences internationales sont prêtes à nous soutenir. Les armées ne valent que ce que valent les cerveaux qui commandent et les cerveaux qui exécutent. Dans toute guerre, ce qui est décisif c'est le moral et l'intelligence des combattants et de leurs chefs.

Pour que notre réponse à tes questions soit claire, nous désirons encore aborder certains sujets que nous pensons utiles : l'importance de la prise de conscience dans l'histoire de l'homme; l'histoire de la prise de conscience nationale au Cambodge.

(À suivre…)